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le nom d’Astromela, un important comptoir romain, et plus tard une ville fortifiée qui résista longtemps aux invasions des Sarrasins. Assise sur de prodigieux amas d’huîtres fossiles qui forment une ligne de monticules hauts de 40 mètres, entourée de cultures verdoyantes, la petite ville, d’allure féodale, quasi sarrasine, dresse des toits gris, une tour carrée d’église et des débris de remparts. Les Bénédictins de Miramas avaient fondé, non loin de là, la chapelle de Saint-Pierre de la Mer dans un site solitaire dont l’abbé de Régis fit ensuite sa retraite. Il y creusa dans les flancs de la montagne la très curieuse grotte qui porte son nom. Son développement total est de 207 mètres, et nous suivons avec intérêt les étroits couloirs ruisselants d’eau, les salles circulaires supportées par des piliers hexagonaux, les escaliers tournants dans lesquels la lumière de nos lanternes éveille les chauves-souris effrayées dont les cris aigus et les vols tournoyants nous accompagnent jusqu’à la sortie. « Un seul ouvrier, un mineur originaire du village de la Couronne, a creusé cette grotte, secondé par M. l’abbé de Régis qui, la boussole et le compas à la main, s’ouvrait une nouvelle route dans les entrailles de la montagne. » Tout près de la grotte, on voit un énorme bloc de rocher taillé en forme de vaisseau de ligne, fendu en deux, reste d’un monument élevé à la mémoire du bailli de Suffren. Puis, de l’anse du Ranquet où des chalands embarquent le sel des salines de Citis, on monte au village de Saint-Mitre d’où un chemin se dirige vers Port-de-Bouc.

VIEUX MIRAMAS ET LES BORDS DE L’ÉTANG DE BERRE(page 308).

À distance, avec la masse pittoresque de son fort, ses phares et ses cheminées, Port-de-Bouc donne l’illusion d’une ville importante. Lorsqu’après avoir traversé les méandres des salines on débouche sur le port, le grondement des marteaux-pilons, le bruit cadencé des riveuses électriques, les hautes carcasses des navires indiquent le voisinage de chantiers de constructions navales. La Société des chantiers et ateliers de Provence a, en effet, constitué en 1899 des chantiers de construction de coques de navires à Port-de-Bouc dont la situation est tout à fait exceptionnelle au point de vue de l’approvisionnement des matières qui peuvent parvenir soit par mer, soit par canaux, soit par voie ferrée. Ces chantiers, disposés dans un ordre méthodique qui se prête admirablement au groupement des matériaux et à la division du travail, sont dotés de tous les perfectionnements les plus récents de l’outillage électrique, hydraulique et pneumatique. De nombreux paquebots et cargos ont été construits et armés depuis dix ans à Port-de-Bouc, parmi lesquels le navire luxueux et confortable Espagne, destiné par la Compagnie générale transatlantique au service de la Vera-Cruz, constitue l’unité la plus considérable de la marine de commerce lancée dans la Méditerranée. L’exploitation de ces chantiers donne à la petite ville de Port-de-Bouc une animation extrême, encore momentanément accrue par les travaux en cours de la nouvelle voie ferrée de Miramas à l’Estaque qui traverse sur un beau viaduc l’étang de Caronte entre Port-de-Bouc et Martigues.

Cet étang de Caronte met l’étang de Berre en communication avec la Méditerranée par le golfe de Fos. On avait pensé que l’approfondissement du chenal de Caronte permettrait à la flotte de commerce de la Méditerranée, et même à la flotte de guerre de trouver un abri sûr et un port intérieur dans la petite mer de Berre dont les fonds permettraient le séjour aux navires du plus fort tirant d’eau. Mais ce projet, qui avait reçu un commencement d’exécution il y a quelque cinquante ans, n’a pas été suivi. Il avait, du reste, le tort de léser les intérêts des pêcheurs Martigaux qui considèrent comme un droit acquis l’usage quinze fois sécu-