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jambes ; en outre, le traînage est rendu très laborieux par les morceaux de neige molle que le dernier blizzard a accumulés. En dépit de toutes ces difficultés, nous poussons énergiquement en avant, mais Weary Willie, le cheval de Gran, faiblit et bientôt il reste en arrière.

À un moment Weary Willie se trouve à 1 200 mètres environ derrière le gros de la caravane, et les attelages de chiens approchent. Soudain de bruyants aboiements re sonnent ; évidemment, de ce côté, il se passe quelque chose d’insolite. Incontinent Oates et moi partons à la découverte et bientôt rencontrons Meares, qui nous met au courant des événements. À la vue de Weary Willie fort mal en point, son attelage lui a gagné à la main et voyant le poney tombé, l’a attaqué avec fureur. À grand’peine les assaillants ont pu être repoussés ; néanmoins le cheval a reçu plusieurs coups de crocs, pas très graves, fort heureusement.

UNE GROTTE DE GLACE DANS UN ICEBERG.

Mercredi, 15 février. — Mauvaise piste ; croûtes verglacées que les sabots des poneys crèvent et amas de neige pulvérulente qui colle aux patins. Pour la première fois, le cheval de Bowers refuse à plusieurs reprises de tirer ; par contre, Weary Willie va mieux.

Pendant le lunch, température : −26°,1. Sous la tente, en attendant que les poneys se soient reposés, il ne fait pas précisément chaud. Maintenant, pendant que j’écris mes notes, le thermomètre marque −21°,6, mais le soleil brille et il n’y a pas de vent. Aussi n’éprouve-t-on aucune impression désagréable de froid, et les mocassins comme les bas sèchent très bien. Nos rations sont très copieuses ; la quantité de vivres nécessaire à un homme pendant l’expédition a donc été très exactement évaluée. En somme, tout va bien, sauf les poneys. Plus je considère la situation, plus impérieuse me paraît la nécessité de ne pas nous exposer à perdre des chevaux dans cette reconnaissance, afin d’en tirer l’an prochain le plus grand parti possible. Ce serait une grosse imprudence d’en sacrifier quelques-uns cette année, comme le conseille Oates. Nous avons même poussé trop loin pour les forces de trois de ces animaux. Un fait demeure acquis : sur cette piste, une bonne raquette vaudrait son pesant d’or ; si nous réussissons à en fabriquer de réellement pratiques pour l’année prochaine, les étapes pourront être notablement plus longues.

Jeudi, 16 février. — Piste bien meilleure, mais les poneys commencent à être épuisés. Trois sur cinq seulement peuvent continuer sans difficulté ; le cheval de Bowers est encore capable de marcher, mais Weary Willie est complètement épuisé ; le pousser plus loin serait courir un gros risque ; donc, demain, nous