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LA DÉBÂCLE S’ÉTAIT PRODUITE (page 26).

nos sacs de couchage en peau de renne, très chauds et très agréables maintenant qu’ils sont secs, et, à la lueur de lampes à huile de phoque et de chandelle, lisons au lit une heure ou deux. Enfoncés dans la fourrure, nous étudions les questions sociales et politiques qui ont agité le monde durant ces dernières années.

Notre troupe compte un effectif de 16 hommes ; 7 ont leurs quartiers dans une des ailes de la galerie en forme d’L, 4 dans un autre, tandis que 5 occupent « l’annexe » ; cette dernière partie de notre logement est très froide ; de cet inconvénient nos camarades prennent gaiement leur parti, déclarant que leur installation est par cela même plus salubre. Nous dormons huit à neuf heures d’un trait : plus d’un serait même facilement le tour du cadran. C’est la meilleure preuve que nous sommes en très bonne santé, bien que nos figures et nos mains noires de fumée nous donnent une apparence singulière.

Jeudi, 13 avril. — Mardi, à 9 heures du matin, départ de deux escouades pour la station. La première comprend, outre le chef de l’expédition, Bowers, P. O. Evans, Taylor ; la seconde, le lieutenant Evans, Gran, Crean, Debenham et Wright. Wilson demeure à la pointe de la Hutte avec Meares, Ford, Keohane, Oates, Itkinson et Cherry-Garrard.

Les camarades qui restent à la cabane nous donnent un coup de main pour l’ascension sur la « pente des skis ». Nous mettrons notre point d’honneur à gravir cette déclivité sans souffler en route, le matin en partant, un pareil effort me parut pénible, mais je dus me résoudre à l’accomplir.

Suivant les hauteurs, nous arrivons aux rocs Hulton, à 12 kilomètres de la pointe de la Hutte. Au moment de descendre vers la mer le vent augmentant et l’éclairage devenant très mauvais, nous prenons le parti de camper. À deux heures et demie, une éclaircie nous permet de voir qu’il est possible de descendre vers les falaises de glace. Aussitôt nous repartons à travers un terrain très crevassé et raviné. Une fois arrivés au bas de la pente, nous reconnaissons l’impossibilité de franchir les escarpements abrupts qui nous séparent de la banquise. Au point le plus bas, ces à-pic de glace atteignent une hauteur de plus de 7 mètres. Tandis que nous examinons la situation, le vent force et de la crête descendent d’épais tourbillons de neige. Une décision rapide s’impose : je m’approche alors du bord de la falaise et abats la corniche qui la surplombe ; cela fait, au moyen d’une corde nous descendons trois compagnons. Par le même moyen, je leur envoie ensuite les traîneaux, tout chargés, puis le reste de l’escouade suit, toujours avec la corde. En 20 minutes l’obstacle était vaincu.

Sur la banquise, le halage est rendu pénible par la présence de cristaux de sel sur la glace. Quoi qu’il en soit, nous parvenons à la Langue du glacier vers 5 h. 30. Pour monter sur le glacier, point de difficultés,