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Vendredi, 26 mai. — Temps calme et clair — un changement agréable après le mauvais temps. Combien en effet il est pénible de rester confiné à la maison sans pouvoir se dégourdir les jambes. Ce matin, je suis monté sur la Ramp. Pas la moindre nappe d’eau libre en vue ; donc plus de raison de redouter que les communications avec la pointe de la Hutte soient coupées la saison prochaine. Les tempêtes pourront nous causer quelques ennuis, mais nous n’aurons pas à craindre qu’elles exercent des actions désastreuses.

Cet après-midi, je me suis promené avec les skis sur la banquise. Depuis la dernière neige et les derniers coups de vent elle offre une piste excellente sur laquelle, si cela leur convient, les hommes peuvent haler en chaussant leurs patins.

Nous vivons comme des princes. Le dîner se composait d’une bonne soupe de phoque, d’excellentes côtelettes de phoque, de pâté de rognon et d’une macédoine de fruits. Ce matin, le menu du déjeuner comporte du porridge[1] et une friture de Notothenia, de pain, de beurre, de marmelade. Les Notothenia ont un goût très délicat. À midi, on sert du pain et du beurre, du fromage et du gâteau, et au dîner du mouton. Jamais ordinaire ne fut plus appétissant et plus convenable pour prévenir le scorbut. Je ne puis pas croire que cette dangereuse maladie puisse se déclarer parmi nous.

Ce soir, conférence de Nelson sur la biologie.

Samedi, 27 mai. — Journée froide et venteuse, très désagréable. Le soir, conférence de Bowers sur le régime que doivent adopter les expéditions en traîneau. Il a fallu à notre camarade une admirable persévérance pour recueillir tous les faits concernant ce sujet épars dans la littérature polaire, et la manière dont il a su les présenter et les coordonner dénote chez lui un remarquable talent d’exposition.

Lundi, 29 mai. — Encore une belle journée calme. Promenade avant et après le repas du midi. Accompagné de Wilson et Bowers, je vais ce matin visiter le thermomètre installé au large de l’île Inaccessible. En chemin, mon chien part en aboyant et disparaît aussitôt ; suivant sa trace, nous arrivons en présence d’un jeune léopard marin. C’est le second que nous observons dans le détroit cette année. Nous nous en emparons pour nos collections, mais combien à regret. Fin et souple, ce phoque est presque joli, en comparaison du Wedel si gros et si bouffi. Quand nous la frappons sur le museau pour l’étourdir, la pauvre bête tourne autour de nous, souple et élégante, en ouvrant largement la bouche comme pour nous implorer, mais sans pousser aucun cri.

LA MER SE BRISANT CONTRE UN TRAIN DE GLACE PRÈS DU CAP EVANS.

Mercredi, 31 mai. — Ce matin, ciel couvert, seulement 25° sous zéro. Après le déjeuner, je vais me promener. L’air est lourd ; j’ai si chaud que je marche la tête et les mains nues. Après un calme plat, tout à coup, à 5 heures, le vent se lève au Sud, soufflant à la vitesse de 64 kilomètres à l’heure, et bientôt un nouveau blizzard est déchaîné. Jamais je n’ai vu tem-

  1. Bouillie de farine d’avoine. (Note du traducteur.)