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Mardi, 11 juillet. — Jamais le mauvais temps n’a duré aussi longtemps. Aujourd’hui la température oscille entre −14° et −15° et la vitesse du vent entre 60 et 80 kilomètres à l’heure. À travers le ciel chargé de neige, la lune forme une petite tache jaune. C’est le quatrième jour de tempête.

Hier, une grosse alerte. Le poney Bones a refusé de manger. Pendant sa promenade, pris de violentes douleurs, il cherche tantôt à se coucher, tantôt à s’emballer. Une fois ramené à l’écurie, la bête se couche de tout son long, en proie à des spasmes violents. Oates lui administre alors deux pilules d’opium et, pour la réchauffer, l’entoure de sacs bouillants. Deux hommes ne quittent pas le patient. Le soir, je ne fais qu’un chemin entre ma chambre et l’écurie et toujours je suis accueilli par le même refrain : pas de mieux. Je suis découragé. C’est que la perte d’un poney peut entraîner l’échec de l’expédition.

Mardi, 18 juillet. — À midi, magnifique ciel rose ; pendant une heure on y voit à peu près clair.

Mercredi, 19 juillet. — Encore une journée venteuse. Avec satisfaction, je vois le jour augmenter. Cette suite de tempêtes et l’inaction forcée qui en est la conséquence n’affectent pas seulement les poneys, mais encore les hommes. La santé de Ponting et de Taylor laisse à désirer.

Samedi, 22 juillet. — Aujourd’hui encore, un furieux blizzard. Coups de vent de 115 kilomètres à l’heure.

Jeudi, 27 juillet, vendredi 28, samedi 29, dimanche 30. — Quatre journées de calme ; seulement quelques coups de vent qui durent à peine plusieurs minutes ; température basse, voisine de −34°. L’un de nos meilleurs chiens a disparu.

Lundi, 31 juillet. — Ciel couvert ; aussi, au milieu de la journée, la lumière est-elle faible, mais nous voici à la fin de juillet et août nous ramènera le soleil. Il y a déjà trente-quatre jours que nos camarades sont partis pour le cap Crozier. Cette longue absence commence à nous préoccuper.

Mercredi, 2 août. — Hier au soir nos camarades de la course au cap Crozier sont rentrés après une expédition de cinq semaines accomplie dans des conditions singulièrement pénibles. Avec leurs mines ratatinées, les yeux éteints, leurs mains blanchies et ridées par le froid, ils ont l’air d’hommes usés par les intempéries. Nos amis ont surtout souffert du manque de sommeil ; ce matin, après une bonne nuit ; ils sont déjà un peu ragaillardis. Wilson et Bowers ne me paraissent pas avoir changé, Cherry-Garrard semble au contraire fatigué. Il a d’ailleurs beaucoup souffert, me raconte Wilson ; néanmoins, jamais il n’a témoigné la moindre défaillance. D’après les renseignements que je recueille, Bowers a montré une endurance extraordinaire. À mon avis, sa force de résistance est sans exemple.

Mardi, 15 août. — Depuis hier soir, la population de la colonie du cap Evans s’est augmentée à la suite de l’heureuse naissance de sept petits chiens. La mère et les enfants sont installés dans l’écurie.

Jeudi, 17 août. — Maintenant le jour dure environ six heures. À midi, les sommets des montagnes de l’Ouest sont illuminés par le soleil. Un infanticide ! Notre jeune mère a tué ses sept enfants. La misérable !


(À suivre.) Adapté par M. Charles Rabot.


PINGOUINS PLONGEANT DANS LA MER.