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vrée de fête pour recevoir la mission. Des dames en grande parure attendaient le vicaire apostolique, des arcs de triomphe de feuillage et de fleurs avaient été dressés, et ce fut aux acclamations de la population entière que Mgr Muzi et D. Giovanni Mastaï se rendirent à l’habitation de dona Emmanuela Corbalan, où les attendait le docteur Cienfuegos et chez qui tout avait été préparé pour les recevoir magnifiquement[1].

De splendides solennités religieuses qui se succédèrent ; des fêtes nombreuses données en l’honneur du vicaire apostolique retinrent la mission durant neuf jours à Mendoza. Ce moment de repos était une halte dans le voyage : ce n’était pas sa fin. Il fallait franchir la barrière formidable qui sépare deux régions également favorisées du ciel : le passage des Andes ne peut être jamais sans dangers. Le 24 février on partit de Mendoza. En quelques heures on eut parcouru à cheval les lieues qui séparent la riante cité de la montagne du Paramillo. On se trouva alors en pleine Cordillère.

Vue d’une place de Santiago. — Dessin de Lancelot d’après l’atlas de M. Claude Gay.

La pampa à ses tristesses monotones et ses misères ; le chemin des Andes à ses périls redoutés des plus intrépides. Au sommet de ces monts désolés, dans la région de deuil où finit toute végétation, où l’homme le plus brave marche dans un funèbre silence, de nombreux périls menacèrent plusieurs fois les pieux voyageurs : la Providence les sauva. Le jour le plus terrible pour la caravane fut le 29 février ; le 1er mars, en descendant la montagne, une sorte de paradis terrestre apparaissait déjà. Sur le territoire de Roncagua, ceux qui venaient de tant souffrir se sentirent tout à coup renaître.

Après avoir traversé Villa-de-Santa-Rosa, et s’être arrêté dans les plaines glorieuses de Chacabuco ; après avoir fait diverses stations à Pellègue, à Colina et dans le couvent des dominicaine, qui se trouvait situé à la porte de la capitale, on était enfin arrivé. L’hymne ambroisienne était chantée pontificalement le 6 mars au terme du voyage.

Santiago reçut les pieux voyageurs, en les entourant de toutes les pompes de l’Église, auxquelles vinrent se mêler les acclama tiens populaires : le reste appartient à l’histoire. Nous nous sommes proposé uniquement ici d’esquisser le récit de cette traversée de Gênes à la capitale du Chili, sur laquelle tous les livres consacrés aux voyages ont gardé jusqu’à ce jour le silence.

Ferdinand Denis.
  1. Mendoza n’est pas le siége d’un évêché ; il dépend du diocèse de Cuyo, qui comprend San-Juan et San-Luiz. Le siége épiscopal a été institué à San-Juan par une bulle en date du 24 juillet 1834.