Page:Le Tour du monde - 01.djvu/384

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tenait l’anneau, le laissait échapper de sa main ; le cercle roulait donc devant eux ; mais ils jetaient en même temps leur perche, de façon à ce que l’une tombât à gauche, et l’autre à droite de l’anneau qui était ainsi arrêté dans sa course. Sans modérer l’ardeur de leurs mouvements, ils ressaisissaient les perches et l’anneau et couraient de la même façon dans l’espace de 40 pas de long qu’ils venaient de parcourir ; toujours le cercle roulait, les perches tombaient, et ainsi pendant des heures entières sans qu’on prît une minute de repos, sans qu’on échangeât une parole ; quelques spectateurs indiens s’étaient joints à eux ; mais ils paraissaient, comme les acteurs eux-mêmes, complétement absorbés par l’intérêt du jeu ; ils ne voulaient même pas que j’approchasse pour examiner de plus près et deviner peut-être le sens de cet exercice. Ils me firent entendre par des signes qu’il s’agissait d’affaires très-importantes, auxquelles ma présence pourrait nuire ; et comme j’allais malgré cela passer outre, ils me menacèrent de me briser le crâne avec leur massue. Les bâtons doivent-ils traverser l’anneau ou tomber précisément à côté ? C’est ce que je ne puis dire. Ce que je sais, c’est que, dans les clairières isolées ou sur les bords du fleuve, les Indiens se livrent à ce jeu avec une passion qui rappelle celle de nos joueurs d’échecs…

Le jeu de l’anneau chez les Mohaves. — Dessin de Lancelot d’après Möllhausen.

« La nourriture principale de ces Indiens consiste en gâteaux grillés de maïs et de blé dont ils pulvérisent les grains entre deux pierres. Nos hôtes portaient de ces gâteaux avec eux, et ils les dévoraient pendant toute la journée avec grand appétit ; la vue seule nous en dégoûtait ; mais préparée par nos cuisiniers, leur farine faisait un bon pain, de même que leurs fèves et leurs courges, séchées et coupées en tranches, formaient un plat excellent. Dans l’après-midi, nous organisâmes un tir général au revolver ; les Indiens y assistèrent avec leurs arcs. Si l’effet de nos armes, qui, à chaque coup, perçaient une forte planche, eut lieu de surprendre les sauvages, de notre côté nous admirâmes leur adresse à toucher le but avec une flèche ; ils nous surpassèrent même dans le tir au revolver. Nous saisîmes alors nos fusils pour leur montrer à quelle longue distance nous étions maîtres de la vie de nos ennemis ; mais le revolver resta pour eux l’arme la plus étonnante ; car ils s’imaginaient qu’avec ce pistolet on pouvait toujours tirer sans charger. Nous les laissâmes dans cette croyance, chose d’autant plus facile qu’ils ne connaissaient pas les armes à feu ; ils savaient seulement que, dans une rencontre précédente, plusieurs des leurs avaient été tués par les blancs, au moyen de projectiles lancés par ces instruments. »

Le 28 février, « nous traversâmes de petites clairières, des champs cultivés, et nous arrivâmes aux demeures des Indiens qui sont disséminées et non ramassées en villages. Les habitations étaient pour la plupart adossées