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tard, le résigner de nouveau en faveur de celui qui l’en avait déjà dépossédé : vicissitudes qui prouvent l’insuffisance du pouvoir absolu pour protéger ceux qui l’exercent. Le souverain d’Agadez a non-seulement la facilité d’emprisonner les chefs les plus puissants de l’Ahir, mais il a sur eux droit de vie et de mort, et dispose d’atroces oubliettes hérissées de lames tranchantes, où il peut faire jeter les coupables, quel que soit le rang qu’ils occupent.

Nous regrettons de ne pouvoir donner sur l’intérieur et la vie privée des Agadézi tous les détails que nous transmet le docteur Barth. Citons du moins ce passage : « Mohammed me présenta chez l’une de ses amies, qui habitait une demeure spacieuse et commode. Je trouvai cette dame vêtue d’une robe de soie et coton, et parée d’une grande quantité de bijoux d’argent. Vingt personnes composaient sa maison ; parmi elles, six enfants entièrement nus, chargés de bracelets et de colliers d’argent, et six ou sept esclaves. Son mari vivait à Katchéna et venait la voir de temps à autre ; mais je ne crois pas qu’elle attendît ses visites à la manière de Pénélope. J’ai d’ailleurs tout lieu de croire que les principes du pays n’ont rien de sévère, à en juger par cinq ou six jeunes femmes qui vinrent me faire visite, sous prétexte que le sultan avait quitté la ville ; deux d’entre elles étaient assez jolies, avec leurs beaux cheveux noirs qui retombaient sur leurs épaules en nattes épaisses, leurs yeux vifs, leur teint peu foncé, leur toilette qui ne manquait pas d’élégance ; mais elles devinrent tellement importunes que je finis par m’enfermer pour échapper à leurs obsessions. J’eus, pour égayer ma retraite, la visite de charmants petits oiseaux qui fréquentent l’intérieur des maisons d’Agadez, et que j’ai revus à Tombouctou. »

Vue d’Agadez. — Dessin de Lancelot d’après Barth (premier volume).

Après une absence d’environ deux mois, Barth rejoignit ses compagnons dans la vallée Tin-Teggana. Ils y campaient avec An-nour, et y séjournèrent malgré eux pendant six semaines. Le 12 décembre, nos voyageurs se remirent en marche, traversèrent une région montagneuse, entrecoupée de vallées fécondes, où apparurent le balanite égyptien et l’indigo ; ils franchirent une zone caillouteuse, rayée de crêtes basses formées principalement de gneiss, puis une rampe de hauteur médiocre, et atteignirent la plaine qui fait transition entre le sol rocailleux du désert et la région fertile du Soudan, plaine sableuse qui est le véritable habitat de la girafe et de l’antilope leucoryx. Bientôt elle se couvre de buissons, et un peu plus loin de bou-rékkéba (avena forskalii) ; on y voit des bandes d’autruches, de nombreux terriers de fenecs, surtout dans le voisinage des fourmilières, et ceux de l’oryctérope d’Éthiopie, qui ont une circonférence d’un mètre à un mètre vingt, et sont faits avec une grande régularité.

Le fourré devient plus épais, le terrain s’accidente,