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tues de plâtre. Les murs intérieurs et les chapelles ont un revêtement pareil, richement décoré de fresques d’un travail soigné.

Tel est en général le type de ces pagodes, dont la superficie varie de quatre-vingts à huit cents mètres carrés.

Ce qu’il y a de plus remarquable sans contredit dans ces temples, ce sont les chapelles à idoles, colossales statues de neuf mètres qui se ressemblent toutes ; la seule différence qui existe entre elles est dans leur attitude : les unes prient, les autres prêchent, celles-ci donnent leur bénédiction. Posées sur un piédestal en bois sculpté en lotus, elles font face à l’entrée des chapelles, qui toutes sont ornées de magnifiques grilles de sept mètres de haut : ces grilles en bois sont très-curieusement fouillées ; des guirlandes de feuillage d’un fini précieux s’enroulent autour de chaque traverse ; les voûtes sont treillissées et semées de rosaces d’or.

L’immense niche où se trouve la statue a parfois plus de quinze mètres d’élévation ; tout autour court une dentelle de métal doré, soigneusement découpée : au sommet de la voûte, à l’abri des regards du spectateur, se trouve une fenêtre dont le jour est dirigé sur la tête et les épaules de l’idole, qui, couverte d’or, semble ruisseler de lumière. Ce rayonnement éclatant au fond d’une chapelle sombre saisit le spectateur et produit un effet étrange.

Ces pagodes sont, je crois, toutes construites en kuchapukka, c’est-à-dire en briques cimentées de vase. On se représente difficilement des monuments de ce genre, atteignant une hauteur de soixante mètres ; il faut dire que ces constructions sont presque des masses solides, si bien que les corridors et les voûtes ressemblent plutôt à des excavations qu’à de grandes nefs. Ces travaux sont d’ailleurs exécutés avec un tel soin, le joint des briques est si bien fait, qu’il est difficile d’introduire entre elles la lame d’un couteau. Toute cette maçonnerie est couverte de plâtre ; la nature même de cette construction exige qu’il en soit ainsi.

Là où le plâtre a résisté, les monuments sont en bon état ; quand il a disparu, les monuments tombent en ruine. Il va sans dire que tous les ornements sont exécutés en plâtre ; ils sont d’un goût et d’un fini qu’on rencontre rarement dans ce pays et dans les Indes.

Myeen-kyan, ville importante entre Pagán et la capitale du royaume, fait un grand commerce ; c’est le principal, marché à riz de la Birmanie. Les rues étaient très-animées : ici on battait le riz, là on le vannait, plus loin, on l’emballait et on le mettait à bord de grandes barques de cinquante à cent tonneaux, qui emportaient aussi des balles de coton destinées à la Chine. Celui que nous avons vu était sale et court de laine.

Maison de l’ambassade à Amarapoura.

Les habitants se pressaient en foule pour voir les navires ; ils regardaient par les sabords ouverts, questionnant, plaisantant sur tout ce qu’ils voyaient ; qu’on fût à sa toilette ou non, ils ne se dérangeaient point.

Les eaux du fleuve étaient si hautes et inondaient tellement les champs et les prés, qu’il nous fut impossible de juger de l’importance du Kyendwen, un des affluents de l’Irawady : nous remarquâmes au confluent de ces deux rivières un petit kyoung (monastère), bâti sur pilotis : il avait été construit, nous dit-on, pour les mariniers.

Au delà de cette ville nous fûmes témoins de la fabrication indigène du salpêtre. Comme aux Indes, il se recueille ici sur le sol ; pendant la saison sèche, on racle la terre à une profondeur de quinze centimètres environ ; puis on met ce qu’on a ainsi ramassé dans des espèces de filtres d’osier garnis d’argile à l’intérieur et qu’on monte sur des châssis de bois. On les recouvre de balles de riz, puis on verse de l’eau sur le tout. Cette eau, passant lentement à travers l’appareil, vient tomber dans un vase en