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loppés jusqu’au nez dans leurs sarapes et leurs grands chapeaux rabattus sur les yeux. Etaient-ce enfin les ladrones tant prédits, suivant une piste trop importante pour daigner faire attention à un pauvre voyageur comme moi, ou bien étaient-ce simplement des vaqueros d’une hacienda voisine ? Je n’ai jamais éclairci la chose.

Je franchis le rio Tepeje sur un petit pont de pierre de quelques arches ; la contrée environnante est un désert. La rivière coule entre deux collines rousses et pierreuses, relevées, pour tout ornement de quelques cactus clair-semés. Dans le parapet du pont est une petite niche grillée ; derrière la grille il y a une peinture, devant la grille un Indien agenouillé, d’où je conclus naturellement que la peinture a un caractère religieux. Cette petite scène, encadrée d’un décor de l’Arabie Pétrée, ne manque pas d’originalité. Le rio Tepeje est un affluent du rio Tula, peut-être même en est-il le principe.

Récolte du pulque (voy. p. 274). — Dessin de Riou d’après un album mexicain.

Au delà de ces collines, la scène change et le pueblo de Tepeje m’apparaît entouré de verdure et d’eau courante. Je m’arrête pour y déjeuner. La fonda est desservie par un vieux couple que je trouve beaucoup plus préoccupé de ses affaires de famille que de celles du fourneau, et j’ai grand mal à obtenir mes œufs et mon chocolat. Ces bonnes gens, qui ont l’air d’être aussi unis que Philémon et Baucis, ont aussi l’air d’avoir perdu la tête. Ils rentrent, sortent, s’asseyent, se lèvent ; négligent mon déjeuner ou bien s’en occupent tous deux en même temps, de manière à s’entraver réciproquement et à faire des malheurs ; mais tout ce trouble réel, que je devine fort bien, est caché sous le flegme ou mieux l’apathie la plus grande. Il y a débordement