Page:Le Tour du monde - 05.djvu/389

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grand nombre d’indigènes. Ce fait me confirme dans l’opinion que si l’on avait, dans le principe, agi avec douceur avec eux, ces malheureux ne seraient pas devenus si hostiles aux blancs et à leurs adhérents, comme ne les y ont que trop forcés les mauvais procédés des négociants en général qui ont fait, à peu d’exceptions, du commerce dans ces contrées, un véritable brigandage. Pauvre humanité !

Le 1er janvier 1857, je poursuivis mon voyage à travers le territoire des Adjak. Des routes, des cultures, des villages rendaient désormais le pays plus agréable, et malgré la chaleur qui montant à 31 degrés Réaumur ne descend jamais au-dessous de 28, nos fatigues étaient beaucoup moindres, grâce aux puits qui se trouvaient à des distances peu éloignées et, en nous permettant de nombreux repos, rendaient nos marches moins pénibles que les premiers jours. Le 2, à l’aube, nous quittâmes le village ou nous avions passé la nuit. Nous traversâmes une série de ces petits bois qui abondent dans tout le Bahr-el-Gazal, et qu’une végétation vraiment tropicale et la beauté des arbres qui les composent rendent si agréables, et vers onze heures du matin nous atteignîmes l’établissement de M. John Petherick, esquire, agent consulaire britannique, dont j’étais alors le représentant. Notre arrivée fut saluée de nombreux coups de fusil par ses gens, qui, se trouvant là depuis un an, avaient pour nous accueillir avec plaisir, plusieurs raisons, dont la moindre n’était pas de se voir renforcés d’un certain nombre d’hommes armés et dispos.

Figuier surmonté d’un palmier, chez les Awan (Dinkas). — Dessin de Karl Girardet d’après M. Bolognesi.

Cet établissement est situé juste au milieu d’un grand village des Djur ou Djour. Nous avions à l’ouest la route qui conduit chez les Dôor (race rouge) dont je parlerai plus loin ; au nord, le grand territoire des Djour ; à l’est, le pays des Dinkas, déjà traversé, et au sud et au sud-ouest, les Rôol qui s’étendent jusqu’au fleuve Blanc, où sont situés les établissements de M. de Malzac, négociant français. D’après les renseignements que nous fournirent les noirs, il fallait douze jours de voyage au plus pour les atteindre.

J’étais donc arrivé dans l’intérieur du Bahr-el-Gazal, dans une contrée tout à fait sauvage dont je ne connaissais ni la langue ni les usages. Qui m’eût dit, en avril 1855, quand je quittai l’Italie, que non-seulement je serais venu dans le Soudan, mais encore que j’aurais pénétré plus loin, et dans quel pays, bon Dieu ! Je dois rendre grâce au ciel d’avoir trouvé dans mon ami Petherick le meilleur guide qu’il soit possible de rencontrer. C’est à lui et à ses conseils que je dois d’avoir pu retourner sain et sauf dans ce pays, puisqu’ils m’ont guéri d’une suite de fièvres des plus violentes qui avaient toutes les dispositions du monde à devenir cérébrales.

Dès notre arrivée à l’établissement, et après un jour de repos à peine, nous dûmes nous occuper de faire partir, dans diverses directions, des expéditions de nos gens, à