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Tombeaux des rois dans l’église de Röskilde. — Dessin de Thérond.


VOYAGE EN DANEMARK,

PAR M. DARGAUD[1].
1860
(EXTRAITS.)


IV

Le grand Belt. — L’île de Séeland. — La déesse Géfion et l’antiquaire Rask. — Soro, son lac, son académie et le baron de Holberg.

Nous avons traversé le grand Belt en deux heures. Après avoir été éclairés de Glorup à Nyborg par la lune et par une étoile, toutes deux très-brillantes, nous nous sommes embarqués à l’aube. La mer était admirable, mais agitée. Les lames bleues, au loin, écumaient et blanchissaient dans le sillage que le soleil teignait d’un rose vif.

J’ai surpris au milieu de ce noble Belt un phénomène de vie dont l’harmonie m’a paru sublime. Je veux parler des courants. Sous mon bateau je devinais des courants de fleuves gigantesques, irrésistibles ; dans le ciel, à l’ouest, je voyais des courants de nuages denses comme des rochers, et, dans l’air, je subissais des courants de vent impétueux. Cette triple circulation s’enchaînait et se déroulait avec une vitesse tout éclatante de bruits et de lueurs.

J’avais la trinité de la terre, du ciel et de la mer ; un chaos apparent qui luttait de fécondité et qui débordait d’être : mais Dieu se dégageait pour moi de ce chaos. C’est lui qui le contient et qui le régit. Il peuple et repeuple les solitudes, fleurit, régénère et recrée incessamment le désert des mondes. Il anime tout, depuis océan jusqu’à la goutte de rosée, depuis l’astre jusqu’au ver luisant, depuis Léviathan et Béemoth jusqu’au

  1. Suite. — Voy. page 81.