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se fit sur une grande barque, en face du palais où le crime avait été commis.

Parmi ses ennemis les plus acharnés se trouvait Jacques Lorédan, l’un des Dix du Conseil ; il continuait à nourrir la vendetta, haine aveugle qui existait depuis longtemps entre les deux familles et dont la cause première était oubliée.

Le vieux doge, voulant faire cesser les divisions, avait généreusement offert sa fille à l’un des fils de l’amiral Pierre Lorédan, qui refusa sans ménagement. Foscari, blessé de ce manque de procédés, se montra dès lors dans toutes les affaires de l’État hostile aux Lorédan qui, de leur côté, agirent de même. Par malheur, Foscari dit un jour imprudemment que tant qu’il y aurait des Lorédan, il serait impossible de gouverner, et quelques jours après ce propos l’amiral mourut subitement ; puis il en fut de même de son frère Marco Lorédan, qui était alors chargé, en qualité d’Avogador, d’instruire un procès un accusation de péculat, contre le gendre du doge.

Petit canal Bernardo. — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. de Beaumont.

Ces deux morts, si voisines l’une de l’autre, firent soupçonner Foscari, malgré toute une vie exemplaire, d’un double crime contre cette famille puissante et redoutée. Les chroniques disent que Jacques Lorédan, fils de l’amiral, qui s’occupait de commerce comme la plupart des nobles Vénitiens, inscrivit ainsi sur ses livres la dette de Foscari : « Doit le doge François Foscari, pour la mort de mon père et de mon oncle !… »

Ce Lorédan, pour arriver à sa vengeance, se fit élire membre du Conseil des Dix, et ensuite des Trois. Il intrigua fortement auprès de ses collègues, en leur insinuant que depuis la mort de son fils, le vieux doge