Page:Le Tour du monde - 07.djvu/116

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cellente, et c’est un des principaux eéifices du Port-Louis qui, sous le rapport des monuments publics, est moins favorisé que sa sœur Saint-Denis.

Un peu plus loin, on passe devant le Bazar, bâtiment solidement construit en fer, et qui a quelque rapport avec les nouveaux marchés de Paris. Il est composé de plusieurs galeries dont les unes sont affectées aux fruits et aux légumes, et les autres aux bouchers et aux vendeurs de poisson. Entre sept et huit heures du matin, il offre un aspect curieux : chacun y envoie des domestiques de confiance faire le bazar, comme en France on envoie au marché, et on peut embrasser là d’un seul coup d’œil les productions et les physionomies des cinq parties du monde. Les fruits des tropiques s’étalent en groupes gracieux : l’atte à la crème blanche et sucrée ; la mangue, à laquelle les Européens reprochent une odeur de térébenthine, mais qui n’en est pas moins d’un goût délicieux ; la banane, qui paraît dans tous les temps sur toutes les tables ; la goyave, avec laquelle on fait d’excellentes compotes ; le jam rose, qui a l’odeur d’un bouton de rose ; le papaye, dont la forme rappelle celle d’un petit melon ; l’avocat, qui ressemble à la poire et enfin le letchi, dont les grappes rosées forment le plus beau dessert qu’on puisse voir.

Autrefois, les fruits et les légumes cultivés par quelques habitants dans les jardins et de grands potagers aux portes de la ville étaient vendus par des noirs et des négresses, mais actuellement la population noire diminuant tous les jours et tendant complétement à disparaître, ce petit commerce a été envahi par les Malabars, comme celui de l’épicerie par les Chinois.

Le camp créole, au Port-Louis.

En continuant notre promenade, nous arrivons près du Trou-Fanfaron, grand bassin situé près de l’île aux Tonneliers, et où ont lieu le radoub et le carénage des navires. En 1769, M. de Tromelin, officier distingué par l’étendue de ses connaissances et par son expérience, le fit curer et lui donna une profondeur de vingt-cinq pieds, suffisante pour les plus grands bâtiments. Travail difficile, car l’entrée du chenal communiquant au Trou-Fanfaron, était occupée par un banc de corail. Mais au moyen de la poudre à canon, M. de Tromelin parvint à briser la partie du banc qui s’opposait au passage des vaisseaux, et construisit alors cette belle chaussée qui réunit l’île aux Tonneliers à la terre, et qui porte encore son nom.

Après avoir visité, à quelques pas de là, l’établissement de marine, nous traversons la rade et visitons les magnifiques Dry Docks, dont la colonie vient d’être dotée. Des hangars en fer s’étendent à droite et à gauche ; c’est là qu’on dépose les marchandises et les sacs de sucre que des Indiens sont occupés continuellement à charger et à décharger, en répétant un chant monotone que l’un commence seul et que les autres reprennent tous en chœur. Un vaste local, donnant sur la mer, est occupé par les bureaux, derrière lesquels se groupent quelques cases d’indiens, véritables bouges qui rappellent les habitations en terre des fellahs égyptiens.

De ce point on a une vue magnifique de la montagne les Signaux qui domine toute la ville et sur laquelle habitait autrefois un homme chargé de signaler les navires. Grâce à la pureté de l’atmosphère, le ciel à Maurice est toujours d’un bleu intense. On raconte qu’un vieillard, M. Feialfay, voyait des navires en mer à trois età quatre cents milles de distance. Le moment où il faisait ses observations était la chute du jour : placé sur la montagne, il regardait le ciel, et au moyen de son espèce de double vue, qui s’étendait ou diminuait selon la rareté de l’atmosphère, il distinguait les objets à l’œil nu mais renversés. Ce fait a été vérifié, dit-on, dans plusieurs circonstances importantes ; ainsi en 1810, quand la flotte anglaise se réunissait à l’île Rodrigue (à trois cents milles à l’est de Maurice) pour attaquer l’île de