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ces ornements de faïence dont les temples et les pyramides de Bangkok sont si abondamment recouverts.

Au troisième étage de ce monument, quatre corridors, formant la croix, aboutissent dans l’intérieur du dôme, aux pieds d’une colossale statue dorée de Bouddha, qu’entourent, assiégent et souillent incessamment des tourbillons de chauves-souris et de chats-huants. Les fétides excréments des oiseaux nocturnes sont désormais le seul encens du dieu abandonné, leurs cris aigus et sinistres son seul cantique ! Sic transit gloria mundi.

L’histoire d’Ajuthia se liant à celle du développement et de la décadence du royaume de Siam, nous ne pouvons mieux faire que de l’emprunter à un récit succinct des destinées de la monarchie siamoise, récit qui n’est pas sorti d’une plume moins érudite que celle de Phra-Somdetch lui-même[1].

Ruines, à Ajuthia. — Dessin de Thérond d’après une photographie.

« Ajuthia est située à 15° 19’de latitude nord, et 98° 13’de longitude est de Paris ; elle couvre l’emplacement de plusieurs autres villes qui reconnaissaient l’autorité cambodgienne. Vers l’an 1300 les habitants qui occupaient toutes ces localités étaient de beaucoup décimés par les guerres fréquentes avec les Siamois du nord et les Pégouans ou Moas, de sorte que ces cités furent évacuées ou délaissées en décombres : il n’en est resté que les noms. Au mois d’avril 1350, le roi U-Tong, prince plus puissant qu’aucun de ses prédécesseurs, cherchant une localité salubre pour sa résidence, arrêta son choix sur le district d’Ajuthia, et fonda la ville de ce nom, qui dès lors s’étendit et s’embellit graduellement ; sa population s’accrut non-seulement par l’augmentation naturelle, mais par l’affluence de familles du Laos, du Cambodge, du Pégou, d’habitants de la province chinoise d’Yunnam, qui y étaient amenés captifs, puis de Chinois et de musulmans de l’Inde qui y venaient trafiquer, Quinze rois de la dynastie d’U-Tong régnèrent à Ajuthia ; après quoi le puissant souverain du Pégou, Chamnadischop, rassembla une armée nombreuse où l’on comptait des Pégouans, des tribus de Birmans et du nord de Siam, et il vint attaquer Ajuthia. Les ennemis, après un siége de trois mois, prirent cette capitale, mais ne détruisirent ni ne massacrèrent ses habitants ; le monarque pégouan se contenta de faire prisonniers le roi et la famille royale pour les emmener à la suite de son char de triomphe au Pégou ; et il laissa comme gouverneur de sa nouvelle dépendance Mathamma-raja, dont il emmena le fils aîné comme otage au Pégou : ce fils s’appelait Phra-Naret. Ceci se passait en 1556.

  1. Cet opuscule, publié d’abord par M. Dean dans le Chinesse repository, a été reproduit in extenso par M. John Bowring dans sa belle compilation sur le Royaume et le peuple de Siam (the Kingdown and people of Siam, London, J. W. Parker and Son, 1857).