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rée de mon voyage, mais pour tout le temps que je me proposais de passer chez les Stiêngs.

Je m’arrêtai un jour entier, afin de voir la ville et faire emplette de verroterie, de fil de laiton et de cotonnade, qui devaient m’être utiles comme objets d’échange avec les sauvages.

Penom-Penh, situé au confluent de deux grands cours d’eau renferme une dizaine de mille d’habitants, presque tous Chinois, sans compter une population flottante au moins du double. Celle-ci est composée de gens venus du Cambodge et surtout de Cochinchine, et vivant dans leurs bateaux. C’était l’époque où beaucoup de pêcheurs, de retour du grand Lac, s’arrêtent à Penom-Penh pour y vendre une partie de leur poisson, et où une foule d’autres petits commerçants y sont attirés pour acheter du coton, dont la récolte se fait avant les pluies. Après avoir parcouru la ville, longue et sale, j’arrivai sur une éminence au sommet de laquelle on a bâti une pagode sans beauté ni intérêt, mais d’où la vue s’étend sur une grande partie du pays.

D’un côté se déroule, comme deux longs et larges rubans, le Mékong et son affluent, au milieu d’une immense plaine boisée ; de l’autre c’est la plaine encore, et encore des forêts, mais bordées au sud et au nord-ouest par de petites chaînes de montagnes.

Artiste funambule siamois et cambodgien. — Dessin de E. Bocourt d’après une photographie.

Quoique Penom-Penh serve souvent de passage aux missionnaires, ma présence ne manqua pas d’exciter la curiosité du peuple. La guerre de Cochinchine était le sujet de toutes les conversations et la préoccupation de tous ici. Une quantité de malheureux pêcheurs chrétiens, qui revenaient du grand Lac, n’osaient rentrer dans leurs foyers, parce qu’ils savaient qu’à chaque douane on les obligerait à fouler la croix aux pieds, et ils attendaient là des nouvelles de la paix que l’on était, disait-on, en train de conclure. D’un autre côté, ce que rapportaient les Chinois et les Annamites qui avaient vu la prise de