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La case aux bananiers.



VOYAGE DE L’OCÉAN PACIFIQUE À L’OCÉAN ATLANTIQUE,

À TRAVERS L’AMÉRIQUE DU SUD,


PAR M. PAUL MARCOY[1].


1848-1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




PÉROU.




HUITIÈME ÉTAPE.

DE TUNKINI À SARAYACU.


Premières relations avec les Indiens Conibos. — La région des moustiques. — L’auteur accumule les interjections pour donner au lecteur une idée des tourments qu’il endure. — Fabrique de moustiquaires et atelier de couture. — Tumbuya et ses bananiers. — Où les membres de l’expédition franco-péruvienne, et l’auteur de ces lignes avec eux, sont pris pour autant de diables par les naturels du pays. — De la petite vérole chez les nations sauvages. — Massacre de tortues. — Une mauvaise nuit. — Bouillon conibo aux bananes vertes et aux œufs de tortue. — Le chef de la commission péruvienne, conseillé par la vanité, achète un esclave Impétiniri pour la somme de un franc cinquante centimes. — De la rivière Pachitea, de ses sources et de ses affluents. — Un projet de mission à Santa-Rita. — Qui traite de l’achat d’un bilboquet conibo et de la manière de s’en servir. — Les deux chefs de l’expédition lavent pour la dernière fois leur linge sale en famille. — Une proposition singulière. — Où l’auteur se compare à Hippocrate, refusant les présents d’Artaxerce. — Situations respectives. — Plaisirs et douleurs du voyage. — Théorie de la moustiquaire. — Une chasse à l’homme chez les Indiens Remos de la rivière Apujau.

Ce fut avec un véritable plaisir que nous nous séparâmes de ces indigènes, qui pendant dix jours nous avaient tenus en tutelle et traités sans plus de façon que des ballots de marchandises. Conventions faites avec les Conibos, nous quittâmes Paruitcha et mîmes immédiatement le cap au nord. Deux heures de navigation avec nos recrues, suffirent pour établir entre nous des relations intimes. Ces naturels paraissaient de tempérament lymphatique et d’humeur débonnaire, et s’ils étaient moins habiles que les Chontaquiros dans le maniement de la rame et de la pagaye, en revanche ils possédaient des qualités de douceur, de patience, d’aménité, totalement inconnues à nos pillards de Santa-Rosa. Avec ces nouveaux compagnons, nous eussions été les voyageurs les plus fortunés du monde, si le ciel, pour contre-balancer notre félicité, n’eût mêlé à son miel une forte dose d’absinthe. En mettant le pied sur le territoire des Conibos, nous venions d’entrer sans le savoir dans le domaine des zancudos ou moustiques.

Cent pages de points d’exclamation, les interjections les plus véhémentes, tous les oh ! les ah ! les ouf ! les aïe et les hélas ! des langues humaines, réunis, combinés, élevés à la centième puissance, ne donneront jamais qu’une idée imparfaite de l’horrible supplice, de l’atroce torture, de la rage incessante que vous font éprouver

  1. Suite. — t. VI, p. 81, 97, 241, 257, 273 ; t. VII, p. 225, 241, 257, 273, 289 ; t. VIII, p. 97, 113, 129 ; t. IX, p. 129, 145, 161, 177, 193, 209 ; t. X, p. 129 et la note 2.