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Pour empêcher ces animaux de se débattre et de trouver avec les pattes, un point d’appui qui les ramènerait à leur posture accoutumée, ils incisent ses quatre membranes pédiculaires et les attachent par paires. La tortue mise hors d’état de se mouvoir, rentre la tête dans sa carapace et ne donne plus signe de vie. Pour éviter que le soleil ne calcine ces corps inertes, les pêcheurs les précipitent pèle-mêle dans une fosse qu’ils ont creusée et les recouvrent de roseaux verts.

Hommes et femmes procèdent ensuite à la fabrication de la graisse qu’ils font fondre et qu’ils écument à l’aide de spatules en bois. De jaune et d’opaque qu’elle était au sortir de l’animal, cette graisse devient incolore et ne se fige plus. Les Conibos en emplissent des jarres dont ils tamponnent l’ouverture avec des feuilles de balisier.

Le résidu, rillettes et rillons restés au fond de la chaudière, est rejeté à l’eau où les poissons et les caïmans se le disputent avec acharnement.

Fabrication et creusement d’une pirogue par les Indiens Conibos.

Cette opération terminée, nos indigènes n’ont garde d’oublier ou d’abandonner le produit de la ponte des tortues, qui est avec la graisse et la chair de ces animaux, un des articles de leur commerce avec les Missions. Ces œufs sont retirés à pleines mannes de la fosse dans laquelle les chéloniens les avaient déposés, et jetés dans une petite pirogue préalablement lavée et raclée et qui servira de pressoir. À l’aide de flèches à cinq pointes, hommes et femmes crèvent ces œufs dont le jaune huileux est recueilli par eux avec de larges valves de moules faisant l’office de cuillères. Sur le détritus des coquilles on jette plus tard quelques potées d’eau, comme sur un marc de pommes ou de raisin, on remue violemment le tout, et le jaune qui s’en détache et surnage sur le liquide, est de nouveau recueilli avec soin. Reste alors à faire bouillir cette huile, à l’écumer, à y jeter quelques grains de sel et à le verser dans des jarres.

Cette graisse et cette huile que préparent les Conibos, sont échangées par eux avec les missionnaires qui s’en servent pour leur cuisine, contre des verroteries, des couteaux, des hameçons et des dards à tortue, vieux clous de rebut passés au feu et remis à neuf par les néophytes forgerons de Sarayacu. Un de ces clous, convenablement affilé et que l’indigène adapte à sa flèche, lui sert à harponner les tortues à l’époque où flottant par bancs épais, elles passent d’une rivière à l’autre. Pendant de longues heures, le pêcheur debout sur la rive, épie le passage des chéloniens.

À peine un banc de tortues est-il en vue, qu’il bande son arc, y place une flèche et attend. Au moment où la masse flottante passe devant lui, il la vise horizontalement, puis relevant brusquement son arc et sa flèche, il fait décrire à celle-ci une trajectoire dont la ligne descendante a pour point d’intersection la ca-