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la douleur, l’époux, accroupi au seuil de sa demeure, attend dans une immobilité complète et l’observation du jeûne le plus rigoureux, que sa compagne soit délivrée et lui ait annoncé le sexe de l’enfant. Si cet enfant est une fille, il crache sur la moustiquaire avant d’en soulever les plis ; si c’est un garçon, il frappe la terre de son arc et adresse des félicitations à la mère. Cependant la malheureuse, pâle et brisée, s’avance au bord de la rivière pour y laver son nouveau-né et se purifier de ses souillures ; quand elle rentre sous le toit conjugal, elle félicite à son tour le père de l’enfant, si cet enfant est un garçon, et baisse la tête sans rien dire, en passant devant lui, si c’est une fille.

L’usage de comprimer la tête des nouveau-nés entre deux planchettes rembourrées de coton, pour leur donner une forme aplatie, fut autrefois en honneur chez les Conibos ; mais depuis un siècle environ, ils ont dû renoncer à cette étrange mode, adoptée jadis par plusieurs de leurs congénères des sierras du Pérou et des rives de l’Amazone, car parmi les octogénaires de la tribu conibo que nous avions pu voir, aucun n’offrait de dépression ou d’aplatissement de la boîte crânienne, qui rappelât une pareille coutume[1].

Mère et nourrice.

Ce n’est qu’à l’âge de dix ans que les enfants mâles abandonnent l’aile maternelle pour accompagner leur père sur la rivière ou dans le bois. Jusque-là, ils s’ébattent en liberté avec des compagnons de leur taille, font voguer de petites pirogues sur les flaques d’eau, lancent la balle de feuilles de palmier, jouent au bilboquet avec une tête de tortue qu’ils lancent en l’air et qu’ils rattrapent au bout d’un épieu, s’essayent au tir de l’arc et se prennent aux cheveux pour un oui ou pour un non.

En général, chez ces Indiens, l’enfance est aussi turbulente que l’âge mûr y est grave et la vieillesse taciturne.

Fillette conibo.

L’époque de l’adolescence des jeunes filles est pour la tribu tout entière l’occasion d’une grande fête. Des boissons fermentées sont préparées à l’avance ; on fabrique des flûtes neuves ; on resserre la peau dilatée des tambourins ; des couronnes de plumes sont tressées pour ces jeunes vierges et chacun, de son côté, se dispose à célébrer joyeusement la-fête du Chébianabiqui.

  1. En parcourant le compte rendu d’un voyageur qui mentionne. sous la rubrique des gens du pays et en l’an de grâce 1861, cette coutume des Conibos d’aplatir la tête de leurs nouveau-nés, nous avons cru un moment être tombé sur une relation de voyage du siècle passé.

    Il serait temps que certaines appréciations et certains lieux communs ethnologiques, qui appartiennent depuis longtemps aux erreurs jugées aussi bien que certaines nations, éteintes depuis plus d’un siècle et qu’on s’obstine à faire vivre, disparussent enfin des recueils sérieux destinés à donner au public une idée exacte de l’état actuel de la science. Nous aurons plus tard l’occasion de revenir sur cette coutume de s’aplatir la tête, que des tribus de l’Amazone antérieures aux Conibos, avaient adoptée, non par