Page:Le Tour du monde - 10.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant, telle est la force de l’habitude, que les jeunes filles jouent à cloche-pied des journées entières, exécutent les postures de danse les plus difficiles et renvoient avec une adresse merveilleuse le volant sur le revers de leurs petits brodequins, qui leur servent de raquettes.

Avoir les ongles des mains très-longs est encore un genre de beauté fort estimé. Les dames riches y attachent une extrême importance, et, dans la crainte de les casser, elles y adaptent des étuis en argent qu’elles emploient en même temps comme cure-oreilles.

La coiffure des femmes varie dans chaque ville ; voici les plus usitées à Pékin : les jeunes filles laissent tomber leurs cheveux en touffes sur leur front et de chaque côté de la figure ; par derrière ils sont divisés en une multitude de tresses ornées de rubans et de fleurs artificielles ; lorsqu’elles sont fiancées, elles relèvent leurs cheveux à la chinoise, et les retiennent avec l’épingle d’argent en signe de leur engagement ; enfin, le jour de leur mariage, on leur fait subir l’opération du kai-mien, qui consiste à leur raser le front jusqu’à une certaine hauteur, puis à enrouler leurs longues nattes sur un coussinet en carton doublé en soie noire posé sur la nuque ; ce coussinet, qui supporte les fleurs artificielles en pierres précieuses non taillées, en plumes d’oiseaux, ou simplement en papier et en verre coloré, suivant le rang et la fortune, est attaché aux cheveux par la grande épingle en argent d’un pied de long qui traverse tout le chignon et qui a la même signification en Chine que la bague d’alliance en Europe.

Outre le fard dont elles se peignent, le noir qui teint leurs sourcils, leurs cils et le tour de leurs yeux, les Chinoises mettent deux larges mouches de taffetas noir sur chacune des tempes ; cette mode, qui est également suivie par quelques hommes, a une raison médicale, les médecins indigènes considérant que ce taffetas entretient sur la peau une irritation favorable à la santé.

Pieds mutilés et brodequins de dames — Dessin de Staal.

Leur costume se compose d’une tunique ou robe de dessous descendant jusqu’à mi-jambe, et d’un caleçon de soie serré à la taille dont l’extrémité est plissée comme des manchettes et nouée avec un ruban. Elles portent des bas fabriqués d’étoffes différentes cousues ensemble, piquées et doublées en coton. Une robe longue, fendue sur le côté, peu ample, formant une sorte de fourreau qui s’adapte au corps, recouvre entièrement les vêtements de dessous ; les manches sont larges et pendantes, le collet, qui monte très-haut, est très-étroit et s’attache par des agrafes ainsi que les revers de la robe qui se croisent sur la poitrine de manière à en dissimuler les contours. Il serait aussi indécent pour une dame chinoise de laisser voir ses mains que de montrer ses pieds ; aussi ses manches lui servent-elles à la fois de gants et de manchon.

Quelque temps avant le départ de madame de Bourboulon pour la Sibérie, les chrétiens de la province de Pe-tche-li lui firent hommage d’une robe de princesse impériale : des broderies exquises, représentant le dragon à cinq griffes, des animaux et des fleurs fabuleuses, encadrées dans des passementeries en soie blanche sur fond écarlate et terminées par une étoffe rayée des couleurs de l’arc-en-ciel et doublée en brocart d’or, enrichissent ce beau spécimen de l’industrie chinoise (voy. p. 80). Les dames de haut parage exécutent elles-mêmes presque tous les objets nécessaires à leur toilette, surtout les broderies et les fleurs artificielles. C’est leur principale occupation au fond du harem où les confine la jalousie de leurs époux. Elles passent le reste du temps à se parer, à cultiver les fleurs dans des jarres de porcelaine, à jouer avec des chiens et des oiseaux privés, et à se faire représenter les ombres chinoises, distraction qui passionné ces malheureuses privées de tout commerce d’esprit.

Ce qui donne un caractère particulier au costume des habitants du Céleste Empire, ce sont les accessoires de toilette, c’est-à dire les éventails, les parasols, les pipes, les tabatières, les blagues à tabac, les étuis à lunettes, les bourses. Tout cet attirail de petits objets usuels dont les Chinois ne se séparent jamais est suspendu à leurs ceintures par des cordons de soies ; il faut y ajouter les montres d’or que les mandarins et les riches marchands recherchent beaucoup et sont fiers de montrer en toute occasion.

L’usage de l’éventail est général dans les deux sexes et dans toutes les conditions : hommes, femmes, enfants,