VOYAGE EN ABYSSINIE,
II
Le nom quasi biblique de Sennâr a quelque chose qui
saisit d’autant mieux notre esprit, que les abrégés de
géographie enseignés dans nos colléges ont continué à
nous répéter : « Sennaar, capitale de la Nubie, » aujourd’hui
que la Nubie n’est plus qu’un terme de géographie
comparée et que Sennâr n’est qu’une sous-préfecture
de huit mille âmes, à trente myriamètres d’une
capitale qui en a quatre fois autant et que les mêmes
livres se gardent bien de nommer.
J’étais assez curieux de visiter la capitale de ces Fougn qui nous ont montré ce spectacle, unique en histoire, d’un peuple nègre soumettant habilement pendant trois siècles des populations d’un sang supérieur à lui. Je m’attendais d’ailleurs, d’après Caillaud, à voir une ville en ruine, mais ce que je vis dépassa mon attente. Qu’on se figure un fouillis de hameaux groupés en désordre sur un terrain profondément raviné par les pluies : quelques centaines de maisons en terre et de toukouls à toit pointu, dont chaque saison pluviale délayait un certain nombre : quelque chose comme le Salam’el Bacha de Khartoum, avec un peu moins de guenilles, toutefois. Pour tout monument, une mosquée délabrée en briques cuites. Je crois me rappeler que les portes de cette mosquée, qui avaient une certaine valeur, avaient été emportées par les constructeurs économes de la mosquée de Khartoum. C’est sur la place
- ↑ Suite. Voy. page 221.