Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 12.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

banquise ; des mesures de la température de la mer à diverses profondeurs que j’ai discutées ailleurs, et l’énumération des plantes et des animaux observés dans la partie septentrionale du Spitzberg, par Ross, Forster et Halse, officiers de l’Hecla.

La même année où Parry échouait dans sa tentative, M. Keilhau, professeur de géologie à Christiania, se trouvait à Hammerfest après avoir visité la Laponie norvégienne. Il y rencontra un Allemand M. de Lowenhigh qui venait de parcourir la Russie jusqu’à Archangel, et deux Anglais MM. Everest. Ces messieurs résolurent de partir pour le Spitzberg et d’aborder à l’établissement russe qui se trouve au sud de l’île orientale découverte, en 1616, par les Hollandais et appelée Terre-des-États. Ils s’embarquèrent sur un petit brig avec six hommes d’équipage, le 15 août. Le 20, ils abordèrent à Beeren-Eiland ou ils restèrent jusqu’au 22. La température oscillait entre 3°,1 et 5°,4. Deux sources qui sourdaient d’une couche de gravier de trois mètres d’épaisseur, marquaient l’une 0°,7, l’autre 4°,7. Keilhau recueillit dans cette île 28 plantes phanérogames et 23 Cryptogames. Le 27, le navire était à six milles de la baie des Glaces (Ice-Sound), et le 3 septembre, près du Cap sud du Spitzberg. Après avoir essuyé un orage, ils s’engagèrent dans les Mille-Îles où ils trouvèrent de la glace et un nombre considérable de phoques et de morses, et après avoir navigué péniblement dans les glaces le navire aborda, le 10 septembre, à l’établissement russe qui se trouve sur la côte occidentale de la terre des États appelée aussi Spitzberg oriental. La maison installée pour abriter trente à quarante hommes, était alors sans habitants. Keilhau recueillit dans les environs vingt-six végétaux phanérogames et trente-quatre cryptogames.

L’ordre chronologique m’amène à parler des deux voyages au Spitzberg que j’ai faits comme membre de la commission scientifique du Nord, en 1838 et 1839. Cette commission se composait de MM. Gaymard, Lottin, A. Bravais, Marmier, E. Robert, Mayer et moi. La Recherche, navire construit pour naviguer dans les mers du Nord, commandée par M. Fabvre, lieutenant de vaisseau, mort amiral en 1864, avait été désignée pour ce voyage. Nous quittâmes le Havre, le 13 juin 1838 ; le 26 nous entrions dans le fiord de Drontheim, et le 27 nous étions mouillés devant l’ancienne capitale de la Norvége. La corvette y séjourna jusqu’au 3 juillet, et le 13 elle entrait dans la belle baie de Hammerfest, la ville la plus septentrionale de l’Europe. Le 15 juillet le navire repartait pour le Spitzberg ; le lendemain nous rencontrâmes un banc de glaces flottantes au milieu desquelles nous naviguâmes pendant trois jours : ces glaces s’étendaient probablement jusqu’à Beereneiland : elles n’étaient pas très-élevées, puisqu’elles ne dépassaient pas les bastingages du navire. Leur volume variait prodigieusement et était souvent difficile à estimer même approximativement. Quelquefois une glace très-petite en apparence n’est que la pointe saillante hors de l’eau d’une énorme pyramide dont les quatre cinquièmes sont immergés ; celles qui ont la forme d’un parallélépipède présentent une grande surface plane, rarement salie par du sable ; les glaçons presque entièrement fondus affectent les formes les plus bizarres et les plus contournées. Il fallait à tout prix éviter un abordage avec ces masses flottantes, aussi l’officier de quart se tenait-il sur l’avant du navire indiquant par signes au timonier de mettre la barre du gouvernail à bâbord ou à tribord. Le jour perpétuel favorisait notre navigation, mais des brumes épaisses la contrariaient souvent. L’officier avait peine à distinguer les glaces flottantes et le timonier n’apercevant plus les signes du commandant, les ordres se transmettaient par les mousses qui couraient de l’avant à l’arrière.

Les glaces flottantes sont un spectacle dont on ne se lasse pas : des grottes, des cavernes creusées à la ligne de flottaison par les vagues, sont colorées des plus belles teintes azurées, et, par une mer un peu grosse, quand ces glaces sont balancées par la houle, ces teintes présentent toutes les nuances depuis le blanc le plus pur jusqu’au bleu d’outre-mer. Si les blocs sont nombreux, on entend une crépitation semblable à celle des étincelles électriques ; elle est due probablement comme celle des glaciers à des milliers de bulles d’air qui se dégagent de la glace à mesure qu’elle fond au contact de l’eau. Le 24 juillet nous entrions dans la baie de Bellsound par latitude 77° 30′, nous y restâmes jusqu’au 4 août. Une foule d’observations et deux séries météorologiques horaires y ont été faites, du 30 juillet au 4 août, l’une à 5m,45 au-dessus de la mer ; l’autre sur une montagne, le Slaadberg, à 564 mètres d’altitude. Le 12 août la corvette rentrait dans le port de Hammerfest.

En 1839, la Recherche partit de nouveau du Havre le 14 juin et mouillait le 25 juin devant Thorshavn, capitale des îles Féroe, par latitude 62° 3′. Le 12 juillet, la corvette était de nouveau à Hammerfest, et le 31 elle entrait dans Magdalena-Bay par latitude 79° 34′, longitude 8° 49′. Une série horaire fut continuée sans interruption, du 1er au 12 août, à 6 mètres au-dessus du niveau de la mer. Chacun des membres de la commission et des officiers employa utilement tous les instants. L’absence de nuit doublait le temps du travail. On trouvera dans le grand ouvrage publié par les soins du Département de la marine, les résultats de ces études et de celles auxquelles se livrèrent deux membres de la commission[1], MM. Lottin et Bravais, et deux savants Suédois, MM. Lilliehoeck et Siljestroem, qui passèrent l’hiver de 1838 à 1839, à Bossekop en Laponie, par 70° de latitude et 21° 10′ de longitude orientale.

Depuis cette époque deux voyages scientifiques ont été faits au Spitzberg, le premier en 1858, par le professeur Nordenskiöld de Helsingfors, le second par une commission suédoise. En 1861, M. Nordenskiöld, accompagné de MM.° Torell′ et Quennerstedt, longea la côte occidentale et atteignit Smeerenberg, après avoir visité tous les fiords compris entre Hornsound et l’île d’Amsterdam. Ces messieurs séjournèrent deux mois au Spitz-

  1. Voyages en Scandinavie et au Spitzberg de la corvette la Recherche. 14 volumes in-8o, avec atlas.