Page:Le Tour du monde - 14.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant ce travail de nos gens, nous nous occupions de fournir le garde-manger avec l’aide de Rover, et nous ne manquions guère chaque fois à rapporter une provision de tétras de prairie, de perdrix et de lapins.

Les traîneaux étant achevés, la Ronde alla faire un tour à ses trappes. II revint deux jours après, rapportant plusieurs martres. Le lendemain matin, il partait avec Cheadle pour les plaines, emmenant deux chevaux et les traîneaux pour rapporter le produit de leur chasse.

Ils tuèrent plusieurs bisons[1].


La chasse aux trappes. — Les animaux à fourrure. — Valeur des différentes fourrures. — Premiers pas du trappeur dans la forêt. — L’art de poser les trappes à martre. — Trappes d’acier pour les loups et les renards. — Le wolverène. — Ses ruses. — Vie du trappeur.

Nous avions assez de viande pour quelque temps. Nous l’emmagasinâmes sur la plate-forme extérieure où la gelée la conserverait, et nous tournâmes toute notre attention sur l’art de dresser des trappes dans les bois, pour y conquérir des trophées qui nous assureraient un gracieux accueil quand nous les offririons en Angleterre à nos chères parentes.

Piége à martre.


Au Canada, les animaux dont la fourrure est estimée, sont le renard argenté, le renard croisé, le pékan, la martre, la loutre, le outereau et le lynx ; on attache moins de valeur aux pelleteries que donnent le wolverène, le castor, l’hermine et le rat musqué. Le castor était jadis très-nombreux, et sa peau se vendait cher ; mais on l’a chassé avec tant d’assiduité qu’il est devenu rare ; et la substitution de la soie au castor, dans la fabrication des chapeaux, a enlevé à peu près toute sa valeur à cette pelleterie.

Excepté celle de la loutre marine qui habite les côtes du Pacifique, il n’y a pas de fourrure qui égale en prix celle du renard argenté. Elle est d’un beau gris ; les poils blancs y dominent, mais ils ont l’extrémité noire et sont mêlés de poils tout à fait noirs. Une paire bien assortie de peaux de renard argenté se vend de deux mille à deux mille cing cents francs. Les renards croisés, qui tirent leur nom d’une bande noire courant le long du dos avec une croix sur les épaules comme celle de l’âne, présentent toute espèce de variétés entre le renard d’hiver argenté et le renard commun rouge, et la valeur de leurs peaux diffère en proportion de ces variétés.

Après les meilleurs renards croisés, viennent le pékan, la martre et le foutereau. Ces trois animaux sont des putois[2], et peuvent, quant à la taille et à la valeur, rester dans l’ordre où nous les avons nommés. La peau d’un pékan monte de vingt à trente-huit francs ; celle d’une martre de dix-neuf à vingt-neuf, et celle d’un foutereau de douze à dix-huit. La loutre, moins commune que les deux dernières espèces, est évaluée à un franc vingt-cinq centimes le pouce, en la mesurant de la tête à l’extrémité de la queue.

L’hermine, excessivement commune dans les forêts du nord-ouest, est d’une grande incommodité pour le trappeur dont elle détruit les amorces destinées à la martre et au pékan. En général, elle se multiplie à son aise parce qu’on ne trouve pas qu’elle vaille la peine d’être chassée.

Parfois on découvre aussi l’ours noir dans sa tanière : sa peau vaut cinquante francs. Le lynx, qui est assez commun, se prend dans des piéges de cuir. Une fois attrappé, il se tient tranquille et résigné ; le chasseur le tue en le frappant à la tête.

Les autres habitants des forêts sont l’élan, et le petit gibier, comme la perdrix des bois, ou le tétras du saule, la perdrix du pin, le lapin et l’écureuil.

Les plus nombreuses des bêtes à fourrure, parmi les plus estimées du pays, sont certainement la martre et le foutereau. La première, qui donne ce que les fourreurs anglais appellent sable ou zibeline, est l’objet de la chasse la plus active de la part des trappeurs.

Au commencement de novembre, quand les animaux ont leurs vêtements d’hiver et qu’on est dans la saison des fourrures, le trappeur fait ses préparatifs de la manière suivante : il plie sa couverture en double, y met un morceau de pemmican capable de le nourrir cinq ou six jours, une petite marmite et une timbale d’étain, et, s’il est riche, quelques trappes d’acier, avec un peu de thé et du sel. La couverture est alors nouée aux quatre coins, et portée sur le dos au moyen d’un lien qui passe sur la poitrine. Le trappeur ajoute ensuite à son équipage une hache, un fusil avec ses munitions,

  1. Voy. plusieurs récits de chasse aux bisons, dans les tomes précédents du Tour du Monde.
  2. Le pékan est la plus belle martre du Canada et vit au bord de l’eau. En France, le putois n’est qu’une espèce du grand genre des martres ou des mustéliens.