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les feuilles ressemblent à celles du poirier. Les gens de la baie d’Hudson assurent que, partout où pousse cet arbuste, le blé peut être avantageusement cultivé. Les fruits qu’il porte ont à peu près la grosseur du cassis et la forme de la poire ; leur goût est exquis. Ils sont fort recherchés des deux côtés des montagnes par les Indiens, qui les font sécher pour l’hiver. Milton remplaça la robe de bison qu’il avait perdue dans notre récente mésaventure par une paire de robes de marmotte pour se couvrir la nuit. Il acheta encore aux Indiens quelques gros cubes de pyrite jaune dont ils se servaient comme de pierres à briquet[1], et deux singulières pipes en pierre qu’ils lui cédèrent d’autant plus volontiers que le tabac leur manquait tout comme à nous.

Le 19, nous étions prêts à partir lorsqu’une grande pluie vint à tomber ; elle nous retint jusqu’au lendemain. Depuis six semaines que nous avions quitté Edmonton, deux tempêtes accompagnées de tonnerre avaient été les seules qui eussent troublé une saison d’ailleurs toujours chaude et belle. Le lendemain matin, le temps se remit, et l’Iroquois partit pour retourner à Jasper-House. Peu après, nous voulûmes rassembler nos chevaux pour commencer notre voyage vers le Caribou ; mais on ne retrouva pas celui de M. O’B., malgré plusieurs heures passées à le chercher.

Bucéphale est sauvé. — D’après MM. Milton et Cheadle.

Un des jeunes Chouchouaps consentit à nous accompagner durant une journée, pour nous montrer le chemin pris par les émigrants ; nous avions dessein de le suivre aussi loin que possible avec l’espoir de finir par arriver au Caribou. D’abord il traversait un pays facile, sablonneux, onduleux et légèrement garni de jeunes sapins. Nous passâmes un petit affluent du Fraser, longeâmes les rives d, un petit lac et, vers le soir, nous avions, sans nous en apercevoir, franchi la ceinture qui sépare les bassins du Fraser et de la Columbia. Le Chouchouap passa la nuit avec nous, nous mit le lendemain sur la trace des émigrants, et retourna chez lui. Nous lui dîmes adieu, ne nous doutant guère des fatigues que nous aurions à vaincre et du temps qui s’écoulerait avant que nous eussions la bonne fortune de rencontrer la face d’un autre homme.

Ici la trace prenait à droite, pour entrer dans la plus occidentale des deux étroites vallées entre lesquelles est divisée celle de la Cache par la ligne de hauteurs qui se dirige au sud et qui porte sur la carte le nom de Chaîne Malton. Au bout d’un mille environ, nous étions arrivés à la rivière du Canot, affluent de la Columbia et qui coule vers le sud-est. Il s’est creusé, dans ce sol sablonneux, un canal profond, et nous descendîmes une falaise escarpée pour atteindre la vallée de la rivière que nous coupions presque à angles droits. Les eaux enflées rendaient le courant très-fort. Les bords étaient embarrassés de bois flott& et d’arbres surplombants. Il fallut remonter un peu la rivière pour trouver une place où nous pourrions la passer en radeau. Nous arrivâmes enfin à un petit endroit découvert près duquel il y avait quel-

  1. C’est l’usage qu’en faisaient les Romains. (Trad.)