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lisent les canaux créés pour la navigation intérieure ; enfin, c’est parmi eux que se recrute une tribu privilégiée de chasseurs, ainsi qu’une partie de la troupe de ligne du taïkoun, celle où l’on vient d’introduire l’usage des armes de précision d’Europe. Malheureusement le pays auquel ces hôtes de passage appartiennent est presque complétement inaccessible aux visiteurs étrangers. Si l’on en croit certaines relations indigènes, on y retrouverait, comme dans les régions minières de la Californie, des constructions de ponts, d’aqueducs, de barrages, qui confondent l’imagination quand on songe à l’imperfection des instruments avec lesquels ces ingénieux ouvrages ont été exécutés.

Tout un côté très-important de la vie du peuple japonais nous échappe. Nous ne pouvons le voir à l’œuvre que dans les travaux de la campagne. Ses chantiers, ses ateliers, ses fabriques, les conceptions les plus originales de sa civilisation autonome, tout cela nous est caché par les mœurs policières d’un gouvernement ombrageux. Et pourtant, le jour viendra où, à cet égard aussi, le Japon finira par s’ouvrir aux investigations de la science.


La vie domestique.
Paysan japonais en costume d’hiver. — Dessin d’A. de Nauville d’après une photographie.

On peut aller de Benten à la campagne sans passer par la ville japonaise. À partir des abords du lieu sacré, une large chaussée soutenue de pilotis est établie le long de la rivière ; elle domine les rues basses et le marais de Yokohama ; l’on n’y rencontre qu’un faubourg occupé par de pauvres artisans et terminé par un corps de garde militaire et un poste de gens de la douane. Ici un beau pont de bois, reposant sur des piliers assez élevés pour donner passage à des embarcations à voiles, traverse la rivière et aboutit à la chaussée de la rive gauche.

En la suivant dans la direction du nord-est, on arrive à la grande route de Kanagawa (voy. p. 28), et dans la direction du sud-ouest, aux chemins ruraux qui conduisent à la baie du Mississipi.

De part et d’autre le pays est couvert de cultures et parsemé de nombreuses habitations. Les maisons isolées, rapprochées de la route et même celles qui bordent les rues des villages, sont le plus souvent tout ouvertes et pour ainsi dire percées à jour. Les habitants, pour établir des courants d’air, écartent de droite et de gauche les châssis à coulisses qui ferment leurs demeures, et celles-ci se trouvent exposées d’outre en outre aux regards des passants.

Dans de pareilles conditions, il n’est pas difficile de se faire une idée de l’intérieur des ménages, ni d’observer les caractères distinctifs du type national, ainsi que les mœurs domestiques de la population indigène.

La séparation conventionnelle des classes de la société japonaise ne repose pas sur des différences essentielles de race ou de genre de vie. Du haut de la colline où s’élève la résidence des gouverneurs de Kanagawa, j’eus plus d’une fois ]’occasion d’examiner à mes pieds, d’un côté quelques corps de bâtiments affectés à la demeure de ménages de yakounines, et, de l’autre, des groupes de maisons ou de chaumières d’artisans et de cultivateurs. Dans les cours fermées par les compartiments de planches qui isolent les unes des autres les familles de la caste militaire, je remarquais les mêmes habitudes, le même mode de vivre que je voyais se produire en public devant les habitations plébéiennes. Plus tard, la fréquentation de hauts fonctionnaires du gouvernement n’a fait que me confirmer dans |’opinion que l’on peut ramener à quelques traits généraux le type dominant et les mœurs domestiques de toute la population du centre de l’empire, c’est-à-dire des trois grandes îles de Kiousiou, de Sikoff et de Nippon.

Les Japonais sont de moyenne stature, bien inférieurs