Page:Le Tour du monde - 14.djvu/264

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comme du machefer de forge, jusque dans le double creuset qui la vomit. Il y a là, comme au Vésuve, deux volcans concentriques : la Somma et le cratère moderne. Après avoir contourné l’arête étroite, vive et sans brèche de ce dernier ; après avoir glissé le long de ses parois, hautes de 95 mètres, toutes luisantes et mouchetées encore de vitrifications et de cristaux déposés par la matière en fusion, il nous a été impossible de ne pas nous demander si, lorsque Spartacus et ses compagnons, au début de leur sainte entreprise (an 73 av. J. C.), vinrent chercher un asile dans la bouche béante du volcan napolitain, ceinte de vignobles et frangée de pampres verts, ce gouffre avait un aspect plus formidable que celui-ci, et si la flamme sous son pavé dormait depuis moins de temps que sous la masselotte qui nous portait ?…

Le Pariou pourtant n’est ni le plus beau, ni le plus puissant des volcans de ce groupe ; à l’ouest, et tout près de lui, se dresse le puy de Côme qui le dépasse par la hauteur et la régularité de son cône, ainsi que par la masse énorme de lave épanchée de son sein. Une seule de ses coulées a rejeté d’une lieue dans l’ouest le cours entier de la Sioule et couvre plus de 16 kilomètres carrés. (V. la carte t. XIII, p. 111.)

C’est une des plus raboteuses cheires des Dômes. Nous nous sommes hasardés, non sans difficultés et sans risques, sur sa surface, et elle ne nous a présenté qu’un mélange de rochers calcinés et de scories, de blocs anguleux d’un basalte compacte, projetés, entassés confusément, comme des glaçons, après une tempête de l’Océan polaire.

Vue de la vallée de la Sioule et de la Cheire de Côme. — Dessin de Hubert Clerget d’après nature.

Et pourtant, dans cet enfer, des hommes ont vécu ! À une époque ignorée, il a été un refuge, sinon un berceau pour une tribu, un clan de l’Arvernie ; car à nul autre peuple qu’à la vieille race gauloise on ne peut attribuer l’étrange cité, qui, dans l’angle nord-est de la cheire de Côme, à une lieue de Pontgibaud, dort morte, mais encore debout, et pendant si longtemps oubliée que les villageois d’alentour n’en connaissent pas les chemins, et que l description qu’en fit pour la première fois, au commencement de ce siècle, un membre de l’Académie de Clermont, ne souleva guère moins d’étonnement que n’en fit naître, à la même époque, la découverte des monuments du Scioto et des bords de l’Ohio.

Le plan (p. 270) que M. Bouillet a bien voulu nous permettre d’emprunter à l’atlas de sa Statistique monumentale du Puy-de-Dôme, et dont nous avons constaté sur les lieux l’irréprochable exactitude, donnera à nos lecteurs une idée plus parfaite du Camp des Chazaloux que ne pourrait le faire une longue description. Nous avons suivi pas à pas le développement de ce retranchement barbare sur le dos même de sa muraille en pierres sèches. Il mesure encore six à sept pieds de large, deux mètres de hauteur à l’intérieur, et a pu en avoir le double ou le triple à l’extérieur, grâce à la profondeur des ravins naturels qui lui servaient de fossés. Il renferme encore plus de soixante cases debout, comme lui bâties sans mortier. Toutes aussi ont perdu leurs toitures qui, selon l’usage gaulois, ne consistaient qu’en bois, chaume ou terre battue, et se sont effondrées depuis longtemps sur leurs foyers éteints. Les portes principales de l’enceinte correspondaient avec les extrémités de son grand axe, et devant chacune d’elles des constructions carrées semblent avoir tenu lieu des avancées ou des cavaliers de nos places fortes modernes. Des issues plus cachées conduisaient dans l’un des ravins où de dessous la lave jaillit une petite source, dont l’existence n’a pas été sans doute sans influence sur le choix que des créatures humaines ont fait de ce lieu de refuge. Comme si tout devait y être étrange, ce filet d’eau qui ne vient au jour, en hiver, qu’entouré de vapeurs tièdes, s’échappait quand je le visitai (le 20 août, par une atmosphère torride), d’un orifice hérissé d’ai-