Page:Le Tour du monde - 14.djvu/308

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et les ustensiles nécessaires pour faire un peu de cuisine, nous commandâmes à notre Chinois de nous préparer du thé, et nous passâmes les dernières heures de la nuit, accroupis auprès de la flamme du foyer, qui brillait à l’avant du bateau et se reflétait sur les ondes.

Au moment où nous étions à bout de résignation et de forces, nous nous aperçûmes d’un changement de direction dans la marche de notre sampan. Les bateliers descendirent la voile et ramèrent avec ardeur. Nous allions toucher au terme de notre traversée.

Dans le demi-jour fantastique de la lune, flottant sur des bancs de nuages, et de l’aube qui commençait à blanchir l’horizon, nous distinguons, à notre droite, un promontoire escarpé, pittoresque, revêtu de beaux groupes d’arbres, et, vis-à-vis de nous, les dômes de feuillage qui couronnent l’île Webster.

Nous la côtoyons au pied de hautes parois de rochers qui font face au promontoire. De sonores échos signalent, sur l’une et l’autre rive, le bruit de notre passage.

Un instant après, nous étions à l’entrée du havre de Kanasawa. Pour éviler les atterrissements qui s’étendent autour du promontoire, nous décrivîmes un grand arc de cercle jusqu’à ce que nous eussions atteint l’autre plage, à l’extrémité de laquelle l’îlot de Sivosima se dresse comme une tour. C’est par là que, virant de bord, nous pénétrâmes dans la passe, dont le peu de profondeur permit à nos gens de pousser le bateau à la perche.

Un sampan. — Dessin de Léon Sabatier d’après une photographie.

Ce canal est bordé, sur les deux rives, de chaumières et de petites embarcations amarrées dans leur voisinage.

Nous croisons plusieurs bateaux de pêche qui partent sans bruit pour le coup de filet du matin.

Peu à peu l’on découvre les sinueux contours de la baie. À notre gauche, des rochers, des pins, des bois touffus, se dessinent sur le ciel, au-dessus des groupes de maisons que l’on devine à leurs murailles blanches. De l’autre côté, nous voyons se dérouler sous nos yeux une plage sablonneuse, un village, une longue chaussée traversant un bras de mer : elle est entrecoupée de deux ponts cintrés dont les noirs contours se détachent sur la paisible nappe d’eau où nous voguons lentement. Enfin nous sommes en face de Kanasawa.

Cette jolie bourgade, dont les blanches maisons animent le fond de la baie, s’étend au pied de collines couvertes d’épais ombrages, parmi lesquels on remarque les toitures d’édifices destinés au culte. Bien qu’elle semble, au premier abord, enfermée et resserrée dans l’enceinte d’un cirque montagneux, elle présente, à mesure que l’on s’en approche, de charmantes échappées de vue. Ici, un bras de mer se perd dans les rizières, au delà des ponts qui relient la chaussée au débarcadère vers lequel nous nous dirigeons. À une autre extrémité du village, on distingue une crique profonde, au milieu d’une étendue de marais salants. À l’entrée du port, un