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métalliques de l’inévitable ritournelle : « Ah ! quel plaisir d’être soldat ! »


La résidence des siogouns.

Notre projet de faire une expédition en commun à l’île d’Inosima n’ayant pu se réaliser, je ne voulus pas renoncer à visiter Kamakoura, dont nous n’étions qu’à trois heures de marche.

Je m’y rendis, à pied, avec deux de mes compagnons et le constable.

Il était quatre heures du matin, lorsque nous sortîmes de l’hôtellerie. Nous traversâmes les rues désertes de Kanasawa dans la direction du sud, jusqu’au dernier massif de la chaîne de collines auxquelles cette bourgade est adossée. Là, des constructions, d’un style particulier, annoncent une demeure seigneuriale. De fortes murailles entourent ou soutiennent des terrasses de jardin. Un portail, formé de deux piliers et d’une traverse en bois de chêne, taillés à angles droits, vernis en noir et revêtus d’ornements de cuivre, donne accès dans une grande cour. L’on y distingue un corps de garde et quelques autres bâtiments, derrière lesquels s’élèvent de grands arbres, qui ajoutent au caractère antique de cette résidence. J’appris qu’elle est habitée par un daïmio de-la famille des Hossokawa, l’une" des plus illustres du Japon, et que ce prince est seigneur de Kanasawa et autres lieux, sous la haute souveraineté du taïkoun.

Galerie au premier étage d’une hôtellerie japonaise. — Dessin de A. de Neuville d’après une aquarelle de M. Roussin.

Plus loin, passant un pont jeté sur une rivière au cours rapide, et marchant vers l’ouest, nous nous approchons de cette chaîne de montagnes boisées qui divise en deux versants la presqu’île de Sagami. Autour de nous tout le sol est en cultures ; les champs de fèves ont remplacé le froment, récolté au mois de juin ; les champs de riz ondulent, encore verdoyants mais déjà chargés de graine. Les sentiers qui les longent ne laissent de place que pour mettre un pied devant l’autre. Quant à la route que nous suivons, deux chevaux à peine y chemineraient de front. Nous y rencontrons un obstacle singulier : un bon vieux et sa femme ont fait choix de ce gîte pour passer économiquement la nuit. Ils y dorment sur deux nattes de bambou qui sont probablement leurs manteaux de voyage. Un monceau de cendres fumantes indique qu’ils ont fait un feu de roseaux pour éloigner les moustiques de leur couche champêtre.

Depuis le pied des collines, la route serpente parmi des roches de grès, parfois taillées à pic, le plus souvent percées de grottes où l’on découvre de petites idoles, des autels, des ex-voto.

Au sommet du col, il y a une cabane de planches et de nattes adossée à une paroi de rocher et contenant quelques bancs, un foyer, des ustensiles destinés à