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L’année suivante, le chef mongol proposa vainement de concerter une entrevue de délégués des deux empires, sur l’île de Tsousima dans le détroit de Corée. En 1271, une nouvelle missive de sa part demeura sans réponse. En 1273, il envoya deux ambassadeurs à Kamakoura ; le siogoun les fit éconduire.

Peu de temps après, l’on apprit que deux généraux de Koublaï-Khan allaient attaquer le Japon, à la tête d’une expédition de trois cents grosses jonques de guerre, trois cents voiliers rapides et trois cents barques de transport. Le mikado ordonna des prières publiques et des processions aux principaux temples de Kamis. Le siogoun organisa la défense nationale. Sur tous les points des côtes de Tsousima et de Kiousiou, où les Mongols tentèrent d’opérer leur descente, ils furent battus et repoussés.

Leur khan essaya inutilement de renouer des négociations. Deux ambassadeurs qu’il envoya au siogoun en 1275 furent immédiatement évincés. Un troisième s’étant présenté en 1279, on lui trancha la tête.

Alors, s’il faut en croire les annales du Japon, ce pays fut menacé de la plus formidable expédition qui se soit jamais faite dans les mers de l’extrême Orient. La flotte mongole comptait quatre mille voiles et transportait une armée de deux cent quarante mille hommes. Elle cinglait sur Firando, vers l’entrée de la mer intérieure, lorsque un typhon la dispersa et la brisa sur les côtes. Tout ce qui ne périt pas dans les vagues tomba sous les coups des Japonais. Ceux-ci n’épargnèrent que trois prisonniers, qu’ils renvoyèrent de l’autre côté du détroit, pour porter la nouvelle.

À la suite de pareils événements, il ne fut plus possible d’envisager les siogouns comme de simples fonctionnaires de la couronne, ni même comme les protecteurs attitrés du mikado. La nation tout entière leur devait son salut. Dès ce moment la cour de Kioto put voir dans celle de Kamakoura une rivale qui ne tarderait pas à l’éclipser, à la supplanter même dans le maniement des affaires de l’empire.

Kanasawa : Le belvédère. — Dessin de Léon Sabatier d’après une photographie.

De nos jours encore c’est à Kamakoura que se trouve le panthéon des gloires du Japon. Il se compose d’un majestueux ensemble de bâtiments sacrés, que la fureur des guerres civiles a constamment respectés. Ils sont placés sous l’invocation d’Hatchiman, l’un des grands Kamis nationaux. Hatchiman appartient aux temps héroïques de l’empire des mikados. Sa mère était l’impératrice Zingou, qui fit la conquête des trois royaumes de la Corée, et à laquelle on rend aussi les honneurs divins : chaque année, le neuvième jour du neuvième mois, une procession solennelle célèbre la mémoire de ses hauts faits, auprès du tombeau qui lui est consacré à Fousimi, dans la contrée de Yamasiro. Zingou elle-même surnomma son fils Fatsman, « les huit bannières, » à cause du signe qui lui était apparu dans le ciel à la naissance de cet enfant. Grâce à l’éducation qu’elle lui donna, elle fit de lui le plus brave de ses soldats et le plus habile de ses généraux.

Lorsque l’impératrice eut atteint l’âge de cent ans, elle transmit à son fils le sceptre et la couronne des mikados, l’an 270 de notre ère : il était alors âgé de soixante et onze ans. Il eut, sous le nom de Woozin, un règne glorieux, de quarante-trois ans, et fut élevé, après sa mort, au rang des génies protecteurs de l’empire. On le révère spécialement comme le patron des soldats. Dans les fêtes annuelles qui lui sont dédiées, on célèbre la mémoire des héros morts pour la patrie. Les processions que l’on fait à cette occasion rappellent les anciennes pompes funèbres du culte des Kamis. On y voit figurer jusqu’à des chevaux parés pour le sacrifice ; mais au lieu de les immoler, on les lâche tout à coup en liberté dans le champ des courses.

La plupart des grandes villes du Japon possèdent un