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De toute l’armée des saints du bouddhisme, il n’en est pas un qui soit plus universellement respecté.

L’instinct populaire ne s’est pas trompé en mettant au-dessus de tous les thaumaturges de la légende le modeste inventeur de l’écriture cursive.

D’un bout à l’autre de l’empire on lui rend les honneurs divins, sous le titre de Kobo-daïsi, le grand maître de la religion infinie.


Taïkosama.

Les guerres civiles qui ont entraîné la ruine de Kamakoura offrent peu d’intérêt en elles-mêmes. L’empire du Japon présente, du quatorzième au seizième siècle, le spectacle d’une anarchie croissante, qui menace de remettre en question l’œuvre de centralisation politique inaugurée par Yoritomo.

Au sein même du daïri, une querelle domestique force le souverain légitime d’abandonner Kioto à son compétiteur, et pendant soixante ans environ, six mikados, successivement, occupent par usurpation le trône pontifical, tandis que les vrais petits-fils du Soleil doivent se résigner à tenir leur cour à Yosino, bourgade située au midi de la capitale, dans la province de Yamato. Enfin un arrangement de famille met un terme à ce scandale public, et le cent unième mikado, celui du sud, reprend possession de son siége dans la cité sainte et restaure solennellement la fiction de sa souveraineté théocratique.

Cérémonies funèbres : Tombeau où l’on dépose l’urne cinéraire. — Dessin de Thérond d’après une peinture japonaise.

D’un autre côté, le pouvoir des siogouns est l’objet de rivalités ardentes qui, pour se satisfaire, promènent le fer et le feu tour à tour à Kioto et à Kamakoura, et ne reculent pas même devant le fratricide.

Les seigneurs féodaux profitent de la confusion générale pour tenter encore une fois de s’affranchir de leur relation de vasselage envers la couronne ou ses lieutenants.

Lorsque, l’an 1573, le siogoun Nobunaga fut surpris et massacré avec toute sa famille dans son palais de Kioto, l’empire sembla toucher à sa dissolution.

Il y avait alors dans la domesticité d’un haut fonctionnaire du daïri un palefrenier nommé Faxiba, fils de paysan, serviteur grave et taciturne, que son maître honorait d’une confiance particulière. Souvent on le voyait près des stalles de ses chevaux, accroupi à la manière des gens de sa classe, les bras étendus sur ses genoux, l’esprit plongé dans une profonde rêverie. Tout à coup il est appelé au service du daïri ; il entre dans la maison militaire du mikado, et au bout de quelques années, le bêto Faxiba est devenu siogoun et commande, sous le nom de Fidé-Yosi, les troupes envoyées dans les provinces des grands vassaux qui s’étaient révoltés.

Deux ans lui suffirent pour comprimer la rébellion.