Page:Le Tour du monde - 14.djvu/349

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Des scènes analogues se répétèrent sur divers points du Nippon. Pour protéger leurs couvents contre un coup de main, de riches prieurs les convertirent en forteresses. Leur audace s’accrut de l’impéritie du gouvernement. Des confréries ennemies se rencontrèrent en armes aux abords des temples qu’elles possédaient dans la capitale. Une partie du daïri fut saccagée, en 1283, à la suite de l’une de ces échauffourées. Un incendie allumé dans un temple de Kioto, en 1536, se communiqua aux quartiers avoisinants et occasionna un immense désastre. Les efforts du siogoun Nobunaga pour remettre à l’ordre une confrérie insurgée échouèrent contre les retranchements derrière lesquels elle lui opposa résistance.

Fidé-Yosi résolut d’en finir, une fois pour toutes, avec les moines et leurs querelles. Il surprit et occupa militairement les bonzeries les plus remuantes, en rasa les défenses, fit déporter dans des îles lointaines les conventuels qui s’étaient rendus coupables d’atteintes à la paix publique, et soumit tout le clergé japonais, indistinctement, à la surveillance d’une police active, sévère, inexorable.

Un juge d’instruction. — Dessin de A. de Neuville d’après une photographie.

Il statua que désormais les bonzes seraient de simples usufruitiers des terres qu’ils possédaient, tandis que le gouvernement en aurait la nue propriété et s’en réserverait la libre et entière disposition.

Enfin il ordonna aux dignitaires du clergé, tant régulier que séculier, de se renfermer strictement, eux et leurs subordonnés, dans le cercle de leurs attributions religieuses.

C’est une loi dont les prêtres japonais ne se sont plus départis..

À l’intérieur de leurs bonzeries, ils officient à l’autel, sous les yeux du peuple, dans le sanctuaire qu’un jubé sépare de la foule. Ils ne s’adressent à celle-ci que par la voie de la prédication, et aux seuls jours de fêtes spécialement consacrés à cet exercice.

Il ne leur est permis de faire des processions qu’à certaines époques de l’année, et avec le concours des officiers du gouvernement préposés aux pompes publiques.

Quant à leur rôle pastoral, il a été resserré dans de telles limites, que je ne trouve vraiment qu’un mot pour le caractériser, et c’est, dans toute sa trivialité, celui de croque-mort. Les bonzes, en effet, sont chargés d’accomplir les cérémonies sacramentelles dont les Japonais de n’importe quelle secte ont coutume d’accompagner les derniers instants des moribonds. Ce sont eux qui conduisent les cortéges funèbres et qui pourvoient, selon le vœu des parents du défunt, à l’inhumation ou à la combustion de son cadavre, ainsi qu’à la consécration et à l’entretien de son tombeau.