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qu’il est question dans cette histoire. « De te fabula narratur. »

Sur les plages de Nippon qui bordent le bassin d’Idsoumi, en face de la côte nord-est de l’île d’Awadsi, s’élève la ville de Hiogo, dont le port sur et spacieux est devenu depuis des siècles le centre du commerce maritime de l’empire japonais. C’est là que les jonques de Simonoséki déchargent les marchandises que les grands entrepôts de cette ville reçoivent de la Chine, des îles Liou-Kiou, de Nagasaki, de la côte occidentale de Nippon et même de la Corée et de Yéso, pour la consommation de l’intérieur et de l’est du Japon. C’est de là que partent des milliers d’autres jonques pour transporter dans les îles de la mer intérieure les produits agricoles et les objets d’art et d’industrie des provinces méridionales de Nippon.

Un jour une double ligne de paquebots à vapeur reliera le port de Hiogo à la Chine, aux grands services commerciaux de l’Angleterre et de la France, ainsi que, d’autre part, à Yédo, à Yokohama, à la ligne transocéanique d’Hawaï et de la Californie.

Pour le moment, et jusqu’en 1868, ce port reste fermé aux nations de l’Occident ; la navigation indigène, de son côté, se borne au cabotage et perd à peine de vue les rustiques fanaux des côtes : les lois de l’empire, qui règlent jusqu’au mode de construction des jonques, ne leur permettent pas de tenir la haute mer.

Le commerce de cabotage dont le port de Hiogo est le siége se trouve presque tout entier entre les mains des armateurs d’Osaka.

Cette grande et antique cité n’est qu’à huit heures de marche de Hiogo. Sa situation au-dessus de l’embouchure d’un fleuve qui se divise en plusieurs bras avant d’arriver à la mer, a facilité, dans la ville même, l’établissement d’un réseau de canaux de navigation, qui ont fait surnommer Osaka la Venise du Japon.

Le château de Marongami appartenant au daïmo Kogatou-sano-ki-no-kami sur l’île Sikok (mer intérieure). — Dessin de M. Granet d’après un croquis de M. A. Roussin.

Longtemps elle a servi de résidence aux mikados (de l’an 744 à l’an 1185 de notre ère). Ils eussent dû, semble-t-il, se trouver à l’aise au sein de cette population énergique, entreprenante, laborieuse, à laquelle l’empire devait principalement le développement de son commerce et de sa prospérité. Mais ce n’était plus l’époque héroïque où le mikado, comme le doge de la république vénitienne, montait sur sa jonque de guerre et remplissait en personne les fonctions d’amiral. On ne le voyait plus inspecter ses troupes du haut d’un brancart reposant sur les épaules de quatre vaillants hérauts (voy. p. 46), ou ordonner des manœuvres, du sommet d’une colline, assis sur un pliant, et agitant de la main droite un éventail de fer. À Osaka, le mikado, parvenu au faîte de la richesse, de la puissance et de la sécurité, se construit un palais au centre d’un parc spacieux, qui l’isole des bruits de la ville. Ses courtisans lui persuadent qu’il est de la dignité du petit-fils du soleil de se rendre invisible à la tourbe de ses sujets et d’abandonner aux princes et aux favoris qui l’entourent les soucis du gouvernement, le pénible commandement de la flotte et de l’armée. La vie du daïri est assujettie aux lois d’un cérémoniel qui en règle les moindres détails, les plus petits mouvements, et qui trace autour du souverain comme un cercle infranchissable pour toute autre personne que les gens de la cour. Le pouvoir impérial ne jette plus que de rares lueurs sur la nation. La bourgeoisie, déçue dans ses espérances, lassée du régime arbitraire des favoris, ose enfin élever la voix, et ses murmures pénètrent jusqu’aux oreilles du souverain. Celui-ci ne convoqua pas d’assemblée de notables, mais il institua des bureaux où l’on devait recueillir dans des cahiers les plaintes du peuple. Les courtisans, convaincus que la dynastie des petits--