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vécu quelques familles de la descendance des Yuris, des Passés, des Barrés et des Chumanas. Ces familles, que le baptême a conquises à la vraie foi et que la civilisation a dotées d’un étrange amour pour les liqueurs fortes, ont répudié depuis longtemps l’accoutrement de leurs aïeux pour adopter la chemise, le pantalon et la jupe des néophytes ; de leur passé barbare elles n’ont conservé que l’usage de certains ornements et la coutume de tracer sur leur visage à l’aide d’une aiguille et d’une décoction d’indigo ou de genipa, le totem ou emblème de la nation à laquelle elles appartiennent. Grâce à ce tatouage symbolique et d’un tracé différent dans chaque nation, on peut à dix pas, sans l’aide de lunettes et malgré l’identité du costume, distinguer un Yuri d’un Passé et un Barré d’un Chumana, ce qui ne laisse pas de simplifier la tâche du voyageur ou de l’ethnographe passant par là.


Indien Chumana.

Pour en finir avec l’Iça et ses castes indigènes à peu près éteintes, disons que les forêts qui bordent les deux rives de cet affluent abondaient autrefois en salsepareille, objet d’un commerce étendu entre les Brésiliens de l’Amazone et les Métis du Popayan. Mais l’habitude que prirent de bonne heure ces derniers de se faire aider dans leurs recherches de la smilacée par les diverses tribus cantonnées sur l’Iça et l’obligation d’arracher la plante pour s’en procurer les racines, cette habitude d’un côté et cette obligation d’un autre, ont à la longue si bien appauvri les forêts de l’Iça du précieux végétal, que les explorateurs-commerçants sont forcés aujourd’hui de diriger leurs recherches sur d’autres points.

À gauche de la baie formée par la jonction de l’Iça et de l’Amazone, nous relevâmes en passant le hameau brésilien de São Antonio do Iça, composé de cinq maisonnettes assises sur un talus d’ocre ombragé par des palmiers nains et des buissons verts. Une échancrure de la rive qui sert de dock à ce comptoir lilliputien, suffit à abriter les trois ou quatre égariteas qui composent sa flottille commerciale.

Paul Marcoy.

(La suite à la prochaine livraison.)