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avant d’arriver au portique de Sainte-Marie Majeure, je prends à gauche dans une rue sale et populeuse ; une petite porte est à main droite ; je descends quelques marches et je me trouve dans la petite église Sainte-Praxède.

Cette église, en forme de basilique, est un mélange singulier de richesse et de dénûment ; elle est peu visitée par les voyageurs et cependant elle mérite de l’être, surtout aujourd’hui, où les dames, par exception, peuvent pénétrer dans la chapelle (d’ordinaire fermée) où est conservée la colonne de la Flagellation.

Près la petite porte d’entrée, à droite, en regardant le grand autel, est une petite chapelle, éclairée par une seule fenêtre étroite, barrée d’une triple grille ; une porte romane, dont l’arcature est couverte d’une riche mosaïque, donne entrée dans cette chapelle. Sur un autel à droite de la porte, dans une niche entourée d’une gloire avec des nuages, des rayons et des anges, et fermée d’une glace, est la colonne à laquelle Jésus-Christ fut attaché pour être flagellé. Cette colonne fut transportée à Rome, en 1223, par le cardinal Colonna ; elle est en marbre jaspe ou jaspre, sorte de jaspe sanguin rubanné et piqué de rouge ; sa teinte est verte, et c’est une matière qui coûte cher à Rome, chez les tourneurs qui en font de menus objets. La forme en est basse, et permet aux verges de s’abattre librement sur le dos de celui qui y est attaché, exposé ainsi depuis la tête jusqu’à la ceinture ; le dimanche des Rameaux est le seul jour où l’on entre librement dans la chapelle, couverte, du sol à la voûte, de mosaïques sur fond d’or.

L’arcature de la nef est décorée aussi richement, et pour monter à l’autel il y a deux rampes dont les marches sont en rouge antique ; ce sont les plus gros morceaux connus de ce marbre rare et précieux ; après eux, viennent les Faunes du Capitole et les colonnes du jardin
Le Bambino dans l’église d’Ara-Cœli. — Dessin de Thérond d’après une photographie.
Rospigliosi ; ces marches ont plus de cinq mètres de longueur et sont d’un seul morceau.

Dans la sacristie, est un tableau de J. Romain représentant la Flagellation ; c’est une belle toile, lumineuse, et dont, contrairement à la plupart des autres tableaux de J. Romain, les ombres ont peu noirci.

Au milieu de la nef, est une représentation singulière du puits où fut précipitée sainte Praxède ; sur le sol est la margelle ; au milieu, agenouillée comme sur un couvercle de ce puits qui serait placé au niveau du sol, est la statuette, à peu près de grandeur naturelle, de sainte Praxède, coloriée ; elle tient dans une main une coupe pleine de sang, et de l’autre presse dans cette coupe une éponge imbibée du sang des martyrs recueilli par elle. Tout cela est en couleur et cause une impression désagréable ; c’est de l’art à l’usage des imaginations incultes, et qui tient de l’exhibition des figures de cire ; je ne trouve rien de plus offensant pour la vue qu’une figure de cire ; cela a quelque chose de faux et de dur qui blesse le goût.


LUNDI SAINT.


Préparatifs à Saint-Pierre. — Vue de la Loggia. — Saint-Paul aux Trois-Fontaines. — La madone de Saint-Augustin. — Le Bambino. — Cloître et reliques du Latran. — Table de la Cène. — La crèche de Sainte-Marie Majeure.

Les préparatifs nécessaires à certaines fêtes de la semaine se poursuivent ; en dehors de Saint-Pierre, de la Sixtine, il faut disposer la Cène, la tribune de la Bénédiction. La Cène se passe dans le vestibule supérieur de Saint-Pierre. La porte qui donne entrée dans ce vestibule se trouve dans la salle royale, à côté de la chapelle Pauline ; on monte quelques marches pour y parvenir. Ce vestibule est une longue galerie, haute, largement éclairée par cinq grandes baies dont celle du milieu forme la Loggia. Devant cette fenêtre centrale, est disposé un échafaudage en charpente, semblable aux piédestaux qui soutiennent les statues