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rents dieux adorée par les Kalmouks. Sakji (Çakia-Mouni) ou le Bouddha, révéré par la secte des Lamas, est la plus connue de ces divinités, celle qu’ils honorent le plus. On trouve son image dans presque toutes les kibitkas.

Un grand bruit se fait entendre dans le temple lorsque la porte s’ouvre. Nous apercevons une quantité de musiciens, accroupis les jambes croisées, les uns soufflant dans des trompettes ayant depuis vingt centimètres jusqu’à cinq mètres de long, les autres frappant sur des tam-tams ou des tambours, portés au bout d’un bâton. Tout cela forme une harmonie assez sauvage, surtout les immenses trompettes dont l’extrémité est soutenue par des porteurs. Les forces des musiciens ne suffiraient pour les soulever.

L’intérieur de la pagode, composée d’une nef et de deux bas côtés, est orné d’une multitude d’images des dieux kalmouks, dessinés et brodés sur des bannières de soie de toutes couleurs. Quelques-unes de ces idoles sont sculptées en bronze ou en bois doré. Une bande de tapis noir couvre le sol du milieu de chaque nef. Nul autre que les prêtres ne doit la fouler aux pieds.

Un maître de cérémonie ou bedeau, vêtu d’une robe rouge et coiffé de jaune, nous assigne la place que chacun de nous doit occuper.

Les prêtres psalmodient gravement une prière.

La cérémonie dure une quinzaine de minutes, après quoi nous sortons de cette messe assourdissante, bien persuadés que le personnage céleste, à qui sont adressées de telles prières, s’il ne les exauce pas, ne peut pas donner pour raison qu’il ne les a pas entendues.

Je reste un des derniers, car j’ai commencé lestement quelques croquis de vêtements des musiciens et des prêtres ; ce sont de purs costumes mongols. Chez les Kalmouks, comme partout ailleurs, le clergé ne se soumet pas aux caprices de la mode : l’antiquité des traditions impose le respect.


Campement kalmouk. — Dessin de Moynet.

Je donne un coup d’œil au fond du sanctuaire, et j’aperçois une statue, assise les jambes croisées, et portant avec plus ou moins d’élégance deux ou trois bras de chaque côté. Elle me semble couverte de perles et d’autres bijoux, mais je me retire par discrétion et n’en puis voir davantage. Je crois cette idole d’origine indoue ; quant aux autres, qui sont dans la nef, elles ont beaucoup de ressemblance avec ces monstruosités chinoises que nous voyons chez nos marchands de curiosités.

Les images, peintes sur papier de riz, sont en général assez bien dessinées : ce sont les figures de personnages plus ou moins haut placés dans les régions célestes.

Les prêtres kalmouks ont parfaitement résolu le problème de vivre sans aucune espèce d’inquiétude. Ils ne doivent rien posséder, mais les femmes kalmoukes ont pour principale occupation de ne les laisser manquer de rien.

Les cérémonies du culte kalmouk se font en langue tangoute ou plutôt tibétaine, que le peuple ne comprend pas. Les prêtres, qui, me dit-on, ne la comprennent pas davantage, sont simplement tenus de savoir la lire. Ils ont un grand nombre de livres traitant de la religion et du culte, et aussi beaucoup de prières et de formules religieuses qui varient selon les circonstances. Pour s’éviter la peine de les garder toutes en leur mémoire, ils ont pris le parti de les écrire sur des bandes de papier ou d’étoffe qu’on suspend a côté ou au-dessous du dieu que l’on a besoin d’implorer : la prière se trouve ainsi toute faite sans que personne ait à s’en mêler.

Ce peuple dévot a encore simplifié cette méthode pour son usage particulier ; il se sert d’un appareil qui consiste en un cylindre, entouré d’une boîte circulaire ou l’on a pratiqué une ouverture. Dans le sens de la longueur