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admirablement dallé, mais sans parapets, et arrivons à la légation de France. Des soldats coréens m’entourent, je donne ma carte, et bientôt je suis reçu de la façon la plus charmante par notre éminent représentant M. Collin de Plancy.

J’avais eu l’honneur de le voir à Paris la veille de son départ, qui précéda le mien de deux mois, et il m’accueille ici comme un vieil ami, m’offrant la plus complète hospitalité. Il me prouve, en compagnie de son aimable chancelier, M. Guérin, que je suis attendu depuis longtemps avec impatience, en m’installant de suite dans la chambre qu’on a préparée pour moi. Quelques instants après, nous nous mettons à table. Oh ! la charmante, l’exquise, la bonne soirée ! et qu’il est doux aux antipodes de Paris de parler de la France et des amis communs qu’on y a laissés ! Nous sommes si heureux d’être ainsi réunis et d’évoquer par la pensée tout ce que nous aimons, que la nuit est fort avancée, quand, par un énergique effort de notre volonté, nous pouvons enfin nous séparer, Tel est le début de mon voyage en Corée, beaucoup plus simple que je ne l’avais pensé et se terminant sous le toit hospitalier d’excellents amis.

Voici comment est organisé chaque jour l’emploi de mon temps à Séoul. M. Collin de Plancy a fait répandre le bruit qu’un voyageur français achète des échantillons de toutes les productions du pays, et se tient à la légation tous les matins à la disposition des négociants. Aussi ceux-ci arrivent-ils de très bonne heure et en grand nombre, munis de leurs marchandises, que j’examine avec le plus grand soin au point de vue de ma collection ethnographique coréenne, rejetant impitoyablement tout ce qui vient de l’étranger. M. Collin de Plancy est assez aimable pour mettre à ma disposition quelques indigènes lettrés, ses secrétaires, auxquels il apprend chaque jour le français. Ceux-ci me donnent de nombreuses explications sur tous les objets dont j’ignore l’usage. Ils rectifient les prix, parfois ultra-fantaisistes, des vendeurs, qui acceptent ou refusent nos offres, sans que je perde mon temps en marchandage et manque aucun achat, le commerçant me rapportant le lendemain ce qu’il a refusé de céder la veille.

Yamen de Tchémoulpo (voy. p. 292). - Dessin de Gotorbe, d’après une photographie.

Notre déjeuner est agrémenté souvent de la présence de quelques grands dignitaires, ministres ou mandarins coréens, que je m’empresse de photographier, à leur grande satisfaction, au moment de leur départ. Il a lieu fort cérémonieusement, car, suivant les rites, nous les accompagnons jusqu’à leurs palanquins, composés d’une espèce de fauteuil sur lequel est jetée une peau de léopard ; ce siège est posé sur deux longues perches qu’on soulève avec des bâtons transversaux ; au moment même où le mandarin s’assied les nombreux porteurs poussent un cri guttural et prolongé. Ils le renouvellent à la sortie et durant tout le trajet, pour écarter les passants sur le parcours du cortège, et à l’arrivée au yamen, pour en faire ouvrir les portes, comme cela avait lieu à la légation, prévenue ainsi à l’avance de la venue des dignitaires coréens.

Dans l’après-midi nous parcourons Séoul, en compagnie de mes aimables hôtes et de quelques secrétaires lettrés, entrant avec eux chez les commerçants pour y acheter tout ce qui nous paraît offrir quelque intérêt ethnographique. Nous faisons aussi visite à de grands personnages officiels, européens ou indigènes. Ceux-ci nous accueillent d’une façon charmante dans de coquettes petites maisons sans étage, réduction du yamen que j’ai décrit à Tchémoulpo. En avant sont les pièces destinées aux réceptions, en arrière les chambres des femmes, où nul ne pénètre que le mari, enfin les com-