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métaux précieux et que même sa richesse en métaux communs ou en matières minérales utiles ne s’est que tardivement révélée.

L’œuvre de la France en Algérie, cependant, a été très belle, et elle promet de l’être davantage encore à l’avenir : elle n’est, toutefois, et ne sera probablement pas exactement ce que l’on avait prévu et désiré. Après des tâtonnemens, des hésitations qu’excusent la nouveauté et les difficultés du problème, l’opinion publique, plus encore que le gouvernement, pensa à faire de l’Algérie, au sens littéral du mot, une nouvelle France, c’est-à-dire à y implanter une population française très considérable qui fit de cette contrée ce que l’Australie et le Canada sont pour l’Angleterre, ce que la République Argentine était pour l’Espagne. Le régime des terres, les concessions gratuites, la loi de 1873 sur la constitution de la propriété privée chez les indigènes avaient cet objet. Ce résultat n’a été qu’incomplètement atteint. Sans avoir jamais été une nation très prolifique, la France sous le règne de Louis-Philippe, sous le second Empire et même dans les dix premières années de la troisième République, ne laissait pas que d’avoir un excédent notable et constant, quoique graduellement décroissant, des naissances sur les décès. Sauf trois ou quatre années, l’une de choléra, les autres de disette, l’excédent annuel des naissances sur les décès, de 1831 à 1848, oscilla en général entre 140 000 et 230 000 âmes ; sous le second Empire, sauf les années de guerre, cet excédent oscilla entre 80 000 et 180 000 âmes, la période notamment de 1860 à 1867 ayant fourni une moyenne annuelle de 140 000 naissances environ de plus que de décès. Enfin, dans les seize premières années de la troisième République, jusqu’à 1887, l’excédent des naissances sur les décès fut en moyenne de plus de 100 000 âmes par an. Il y avait donc, de 1831 à 1887, la possibilité d’une émigration assez considérable, pouvant atteindre, sans détriment pour la France, plusieurs dizaines de mille âmes par an.

L’Algérie a profité de cette situation, mais d’une façon relativement modérée. En 1876, quarante-six ans après le débarquement des troupes à Sidi Ferruch et vingt-neuf après la prise d’Abd-el-Kader, qui marqua, sauf pour les districts montagneux de la Kabylie, la soumission complète et définitive du pays, le nombre des colons civils d’origine européenne atteignait 315 000 âmes environ, à savoir 311 437 pour la population dite municipale, le reste concernant la population comptée à part, celle