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est celle qui a frappé le revenu des valeurs mobilières d’une taxe de 3 pour 100, relevée depuis à 4 pour 100. Comment se fait-il, s’est-on demandé, que les parts de bénéfice attribuées aux administrateurs, aux directeurs, aux gérans d’une société, aient échappé jusqu’ici à cette taxe ? La réponse est très simple ; elle a été faite à diverses reprises par les tribunaux devant lesquels la question a été portée : c’est que ces parts de bénéfice, dues au travail des administrateurs, directeurs, etc., ne sont pas de simples revenus de valeurs mobilières, assimilables par exemple à ceux des actions d’une société. La prétention de combler une lacune dans l’application de la loi du 29 juin 1872 ne saurait donc se soutenir : nous sommes bel et bien en présence d’un impôt nouveau. Assurément, les Chambres ont le droit de le voter, mais au moins faut-il qu’elles se rendent compte de ce qu’elles font. La Commission des finances du Sénat a transigé, comme nous l’avons dit plus haut : elle a accepté que la nouvelle taxe frappât les administrateurs des sociétés, compagnies ou entreprises, mais non pas leurs directeurs, ni leurs gérans. En effet, pour les directeurs, encore bien plus que pour les administrateurs, il ne s’agit évidemment pas ici d’un revenu de valeurs mobilières, et, en mettant en cause les gérans, on risquait d’atteindre tous les employés, et de gêner ainsi le développement de la participation aux bénéfices, alors que le sentiment général est qu’il convient, au contraire, de l’encourager.

Bien que sa condescendance pour M. le ministre des Finances l’ait amenée à faiblir sur ce point, la Commission a fait une œuvre saine, loyale, empreinte de fermeté, et qui lui fait honneur. Une grande partie de cet honneur revient à son rapporteur général, M. Poincaré, qui, cette fois encore, a dit au pays la vérité. Il ne s’est pas contenté de dénoncer le mal ; il en a indiqué les causes principales, qui sont toutes dans le mauvais fonctionnement de nos institutions parlementaires, et c’est bien ce qui rend ce mal si difficile à guérir. Pour le réformer, il faudrait nous réformer nous-mêmes. Mais si nous laissons de côté pour le moment ces considérations tirées de l’ordre politique et moral, à quelle conclusion financière M. Poincaré est-il arrivé ? C’est à reconnaître que le budget est en déficit, et qu’il l’est d’une manière irrémédiable. S’il y a des remèdes, on ne les a pas trouvés, ou, si on les a trouvés, on a renoncé à les appliquer, tant on les a jugés amers. Où est donc la différence entre le budget de la Chambre et celui du Sénat ? Elle est en ceci, que la Chambre a accumulé les efforts, d’ailleurs les plus maladroits, pour masquer le déficit, et que le Sénat en a fait aveu sans détours. Ce déficit