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brillante et facile carrière. De fait, et malgré la sévérité d’une éducation dirigée d’après les vieux principes, de sa première jeunesse Louis-Philippe conserva toujours le plus heureux souvenir. Un frère cadet rapproché d’âge, Joseph-Alexandre, partageait ses jeux, ses études, et le suivit, un peu plus tard, dans le métier des armes, qu’il embrassa dès son adolescence, suivant la tradition constante de tous ceux de son nom. Ses Mémoires nous content ses débuts dans la vie militaire, l’année 1767 : le marquis de Ségur commandait le camp de Compiègne ; il prit pour aide de camp son fils aîné, qui avait alors quatorze ans. Louis XV, à l’issue des manœuvres, vint souper sous la tente du général en chef ; Louis-Philippe le servit à table et, par sa gentillesse et sa vivacité, s’attira les bonnes grâces du Roi, qui causa gaiement avec lui. « A la fin du repas, lit-on dans son récit, il me demanda quelle heure il était ; je lui répondis que je n’en savais rien, n’ayant pas de montre : Ségur, dit-il à mon père, donnez sur-le-champ votre montre à votre fils. Il eût peut-être été plus naturel de me donner la sienne. »

Le fils d’un lieutenant général, gouverneur de province, bientôt après ministre de la Guerre et maréchal de France, ne pouvait guère manquer d’avoir un avancement rapide. Lieutenant de cavalerie à seize ans, capitaine à dix-huit, Louis-Philippe commande, à vingt-deux, le régiment d’Orléans-dragons et tient garnison dans les Flandres, ce qui, d’après l’usage reçu, ne l’empêche pas de passer l’hiver à Paris. Le prince de Ligne, qui le connut alors, a tracé de lui un portrait dont je citerai quelques fragmens : « Il est quelquefois trop jeune et quelquefois trop vieux ; ce trop de jeunesse l’empêche de voir tous les charmes de l’existence qu’il aura, et ce trop de vieillesse, quand il les voit, les lui fait mépriser... Il a deviné tout ce qu’il n’a pas eu le temps d’apprendre ; il sait ce qu’il ne peut savoir. Il y a de l’agrément, de l’élégance, de la douceur dans sa figure, et de la grâce dans ses manières, parce qu’il ne la cherche pas... L’originalité de son langage tient à celle de son esprit ; il dit autrement et mieux qu’un autre ; il donne à tout un tour distingué ; il plaira à tout le monde quand il en aura envie, et même quand il ne l’aura pas. »

Sans nier la ressemblance de ce joli croquis, il y faut cependant ajouter quelques traits. Sérieux de goûts et cultivé d’esprit, épris de poésie et de littératures, séduit aussi par cette philosophie