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Qu’il fût possible de porter à la scène la question du pardon, cela ne fait pas de doute. Sous ce titre même du Pardon, M. Jules Lemaitre a donné, il y a quelques années, une de ses plus fines comédies. On sait de reste quelle estime nous faisons du théâtre d’analyse. Une pièce qui, sans autre ambition que de peindre ce qui est, et sans prétendre à réformer les lois au nom des dernières inventions de l’immoralité contemporaine, ne tire sa substance que de nous-mêmes, et n’est faite que de l’étoffe de nos sentimens, voilà, pour un esprit français, le type même de l’œuvre dramatique. Changez le cadre, c’était notre tragédie du XVIIe siècle. Il faut savoir gré à MM. Margueritte, partisans déclarés du théâtre-tribune et grands apôtres du nouvel évangile, d’avoir, pour cette fois, renoncé à pourfendre le mariage et à bousculer le Code, et d’avoir voulu tout uniment nous faire entendre un sincère écho de la plainte humaine. Le succès n’a qu’imparfaitement répondu à leur effort ; mais il est aisé de voir quelle a été leur erreur initiale. Très pénétrés de cette vérité, que les procédés ne doivent pas être les mêmes pour le roman et pour les pièces de théâtre, ils se sont persuadé qu’il fallait totalement modifier leur manière. « N’oublions pas que nous sommes des gens de théâtre, se sont-ils dit l’un à l’autre. Cessons d’être des romanciers. Pas d’analyses ! Elles font longueur. Ne coupons pas les cheveux en quatre ! Cela impatiente le public. Ne nous amusons pas à peindre des portraits ! Au théâtre, il faut de l’action, encore de l’action, toujours de l’action ! » Et consciencieusement ils ont éliminé les peintures de caractère, les analyses de sentimens, toute l’étude enfin où l’art du romancier eût pu faire merveille, et qui par surcroit eût donné à leur pièce toute sa valeur.

Faute de ces utiles longueurs, qui eussent été ici les indispensables explications et préparations, MM. Paul et Victor Margueritte nous ont dès le début déconcertés. L’accord n’a pu, dans la suite, se rétablir entre le public et leurs personnages. Une jeune femme, Claire Frénot, pendant une absence de son mari, s’est donnée à un amant. Elle n’a pas été sans prendre à cette aventure le plaisir qu’elle comporte. Mais le vent a tourné, et d’ailleurs le mari est revenu. Maintenant Claire déteste son amant, et elle aime son mari. Seulement, auprès de ce mari qu’elle a trompé et qui a foi en elle, sa vie se change en supplice. Ce qui la torture, est-ce le remords ? C’est plutôt la conscience de sa déloyauté. Son secret lui pèse. Le mensonge lui est devenu insupportable. Elle met une de ses amies au courant de la situation et lui demande conseil. L’amie lui donne le conseil, qui est