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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le bruit courait depuis quelques jours que le ministère serait vraisemblablement remanié pendant les vacances parlementaires. Ce n’était peut-être qu’un vain bruit ; mais la mort subite de M. Guyot-Dessaigne, ministre de la Justice, en a fait une réalité : elle a obligé M. le président du Conseil à compléter l’équipe de ses collaborateurs par l’adjonction d’un membre nouveau, et, comme plusieurs changemens ont eu lieu dans les attributions de portefeuille, la physionomie du cabinet s’est trouvée un peu modifiée. Elle aurait pu l’être encore davantage sans inconvéniens, car si M. Guyot-Dessaigne était un point faible dans le ministère de M. Clemenceau, il en reste d’autres qui ne le sont guère moins. Mais il faut prendre ce qu’on nous donne. On nous a donné un seul nouveau ministre, qui est M. Jean Cruppi. Nos lecteurs le connaissent. Il a publié dans la Revue plusieurs articles, assurément remarquables, sur les réformes à introduire dans l’ordre judiciaire. Il est avocat. Il parle bien. Toutes ces circonstances le désignaient pour le portefeuille de la Justice, et c’était précisément celui qui était vacant. À la surprise générale, il a été nommé au Commerce, ce qui donne à croire que, s’il est devenu ministre, ce n’est pas pour les motifs que nous venons de rappeler. Il a en effet d’autres mérites, moins enviables à notre gré. Dans ces derniers temps surtout, M. Cruppi a multiplié les gages aux partis avancés. Il a défendu le projet de loi sur la liquidation, c’est-à-dire sur la spoliation des biens ecclésiastiques. On sentait en lui l’homme impatient d’arriver. Il est arrivé, mais il doit être aussi étonné que ce soit au Commerce. Quoi qu’il en soil, M. Cruppi est un homme de talent. Il voulait être ministre, il l’est : nous l’attendons à l’œuvre.

Le ministre du Commerce qu’il a remplacé est M. Doumergue. M. Doumergue est personnellement un homme sympathique, obligeant