Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/637

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfant si beau qu’on croirait voir le Dieu Krichna lui-même dormant à l’abri d’un toit de palmes. — Ah ! cher ami, ne me prive pas d’un pareil spectacle ! Dis-moi, je t’en prie, où est couché ce bel enfant ? — Si tu me promets de ne pas lui faire de mal, je te le dirai. »

La mère cobra jura que l’enfant lui serait plus sacré que s’il était né d’un de ses œufs. Et le trop confiant Ophiophage consentit à la renseigner. Mais la mère cobra n’eut pas trouvé l’enfant qu’elle le mordit et le tua sans remords, peut-être pour donner plus de créance à ce proverbe que ceux-là meurent jeunes qui sont aimés par les dieux.

L’Ophiophage, quand il repassa par le village, connut la mort de l’innocent qui avait péri par sa faute. Décidé à punir la mère cobra, il n’eut de cesse qu’il ne la retrouvât et la dévorât, elle et sa progéniture. Etendant sa vengeance à la tribu entière des cobras, il détruisit tous ceux qu’il put atteindre et laissa aux siens le soin de perpétuer le châtiment de l’engeance félone qui avait trahi son serment. C’est sans doute pour mieux tromper la race des cobras que. celle des Ophiophages se complaît à en imiter la livrée. Peu de serpens ont, en effet, une robe individuelle plus variée. Du jaune sale jusqu’au noir profond, elle affecte toutes les combinaisons de teintes, toutes les marbrures, tous les tons. On a décrit ce grand naja sous plus de vingt noms différens. L’espèce, répandue de l’Himalaya à l’Indo-Chine, possède, dans les catalogues, une synonymie dont la richesse déconcerte. Quant à la taille, elle atteint cinq mètres. L’Ophiophage est, sans conteste, le géant des serpens venimeux.


Genji, 22 septembre 1901.

… Je vous ai parlé de ce rhadjpoute de Krichnapouram qui se signala par son activité à prendre la fuite lors de la rencontre que nous fîmes du monstrueux serpent noir. Ce personnage mène, aux environs de la Mission, son existence digne et oisive, égayée par des libations d’arack, plus fréquentes depuis que sa fille s’est consacrée au métier de chasseresse et travaille pour augmenter mes collections.

Figurez-vous une de ces mignonnes statuettes de terre cuite que modèlent et peignent à miracle nos industrieux potiers de Pondichéry. La princesse rhadjpoute n’a pas dix ans. Son torse