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son courage. — Voilà l’essentiel du récit de la Légende dorée : on n’y trouve pas un mot qui puisse rendre raison du patronage attribué à saint Adrien. Il est probable que quelques faits réputés miraculeux commencèrent, vers le XIIe siècle, à attirer sur le saint l’attention des populations flamandes et wallonnes. Sa réputation de guérisseur s’établit petit à petit. A la fin du moyen âge, elle était incontestée. L’auteur du Mystère de saint Adrien rapporte à ce sujet une tradition qui est évidemment récente, et qui avait dû naître à Grammont, autour de sa châsse. On disait qu’avant de mourir, saint Adrien avait obtenu de Dieu le privilège de protéger contre la mort subite et les épidémies tous ceux qui le prieraient avec confiance.

Saint Adrien fut célèbre dans le Nord ; saint Antoine le fut d’abord dans le Midi. On racontait que le corps de l’illustre solitaire de la Thébaïde avait longtemps reposé à Constantinople. Mais, en 1050, Josselin, seigneur dauphinois, avait obtenu de l’empereur Constantin VIII cette insigne relique. Il emporta ce trésor qu’il déposa dans l’église bientôt célèbre de Saint-Antoine de Viennois. En 1095, un gentilhomme y fut guéri de cette étrange maladie qu’on appelait alors le « feu sacré » et qu’on appellera plus tard le « feu saint Antoine. » Il y fonda un ordre religieux. Les Antonins se consacraient aux malades et particulièrement à ceux que dévorait ce feu redoutable. C’est ainsi que, par un singulier concours de circonstances, saint Antoine, ce grand contemplateur qui avait fui le monde pendant sa vie, se trouva mêlé, après sa mort, comme un bon médecin, à toutes les angoisses des hommes. De tous les points de la France on accourait en Dauphiné. Quand éclatèrent les grandes pestes, des vœux y amenèrent des pèlerins de toute l’Europe. On y vit Charles IV empereur d’Allemagne et plus tard l’empereur Sigismond. Jean Galéas, duc de Milan, fonda une messe dans l’église de Saint-Antoine et y envoya de précieux reliquaires. Plusieurs de nos rois y vinrent. On pense bien que Louis XI ne manqua pas d’aller rendre ses devoirs à un saint qui faisait reculer la mort. Car, dès le XIVe siècle, les privilèges de saint Antoine s’étendirent. Ce ne fut pas seulement le mal des ardens qu’il guérit, ce fut toutes les maladies contagieuses. Mais ce saint secourable était en même temps un saint terrible. Ce n’est qu’en tremblant que l’on regardait ses images. Ce grand vieillard au regard sévère qui avait des flammes sous les pieds était la