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grands-parens ? Telle était l’unique condition de la loi. Tel devait être par suite l’unique souci du liquidateur. Or la jurisprudence révèle qu’aux solutions simples et rapides ainsi prescrites, on a préféré la résistance fondée sur des subtilités juridiques que n’autorisaient ni le texte, ni les travaux préparatoires. Le congréganiste a fait sa preuve ; il a bien apporté, reçu par succession, ou par dons et legs en ligne directe ; mais c’est une somme d’argent, ce sont des valeurs mobilières qui ne se retrouvent pas en nature dans l’actif de la liquidation. Le liquidateur résiste : « La loi, dit-il, a parlé de restitution, de revendication : elle a donc entendu que le bien devait se retrouver en nature : s’il en est autrement, la liquidation ne peut pas restituer, et le congréganiste ne peut pas revendiquer. »

Ici, comme pour les biens détenus, puisque la loi paraissait obscure, il fallait chercher dans les travaux préparatoires la pensée vraie de ceux qui l’ont faite. Devant la Chambre, M. Beauregard, dans la séance du 27 mars 1901, avait précisément posé cette question : « Le bien revendiqué doit-il se retrouver en nature ? » Et il avait répondu : « Je ne veux pas le croire, ce serait une énormité. » Il ajoutait : « Il faut nous dire si, comme je le pense, vous permettez la reprise d’une valeur équivalente. » M. Trouillot, rapporteur, ainsi interpellé, s’était expliqué fort nettement : refuser une restitution, parce que le bien ne se retrouverait pas en nature… « ai-je vraiment besoin de dire que rien dans notre texte n’autoriserait une semblable interprétation ? Le mot même valeurs que nous employons dissipe toute équivoque. » Et dans son ouvrage, en collaboration avec M. Chapsal, sur la loi de 1901, M. Trouillot écrivait dans le même sens : « Lorsque les biens ne se retrouvent pas en nature, il va de soi que les anciens congréganistes pourront reprendre leur équivalent en argent… » Le texte le plus simple et le plus clair, les commentaires les plus précis des auteurs mêmes de la loi, rien ne compte. C’était une « énormité, » « rien n’autorisait » cette interprétation. On passe outre. Il faut plaider, plaider jusqu’en cassation. La Cour suprême décide une fois de plus que la loi a été méconnue par les liquidateurs : la loi a donné au congréganiste le droit de reprendre certains biens, mais elle n’a dit nulle part que ces biens devaient se retrouver en nature : s’ils ne se retrouvent pas, le congréganiste en recevra la valeur… N’était-il pas possible, ici encore, d’exécuter la loi sans y rien