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ne sont même pas compris les honoraires des liquidateurs qui seront fixés par jugement, les liquidations finies. Nous nous garderions bien de retenir, en quoi que ce fût, les accusations qui ont été formulées contre l’honnêteté de certains liquidateurs. Mais ne semble-t-il pas qu’ils auraient pu restreindre toutes ces dépenses d’employés, de déplacement et de correspondance ? La Commission d’enquête, éclairée par des documens plus précis que le rapport du garde des Sceaux, dira là-dessus son sentiment. Les frais de procédure et d’inventaire, les honoraires d’avocats atteignent trois millions. La somme paraît énorme. Mieux que toutes les démonstrations, elle accuse l’abus des procès. On a dit que la faute était à la loi qui imposait une liquidation judiciaire, aux congréganistes et à leurs prête-noms qui ont plaidé sans même une apparence de raison. Mais ceci n’explique pas la lutte des liquidateurs contre les propriétaires, les apporteurs ou donateurs, les créanciers. Si la loi elle-même, si l’irritation naturelle des congrégations dépouillées devaient susciter des procès, où d’ailleurs le liquidateur ne supportait que les honoraires de ses avocats, il ne fallait pas en ajouter d’autres. Là fut l’abus. Et le rapport du garde des Sceaux, pour sobre qu’il soit du détail des affaires et des frais, montre de reste, avec son chiffre de trois millions, ce qu’il en coûta de soutenir une lutte d’ailleurs si parfaitement inutile[1].

Le rapport du garde des Sceaux contient un dernier chapitre qui en est comme la conclusion ironique et attristante, c’est celui des secours à d’anciens congréganistes. Les liquidateurs, dit le rapport, se décidèrent, non sans beaucoup d’hésitation, car ils craignaient d’engager leur responsabilité, à donner soit en nature, soit en argent, quelques secours à des congréganistes âgés ou infirmes : 50, 100 francs pour la plupart, exceptionnellement 500 ou 600 francs. Après la loi de 1904, ce fut le ministre des Cultes qui accorda ces secours : il a distribué ainsi 170 445 francs à 402 personnes, soit une moyenne de 424 francs

  1. Dans tout procès, chacune des parties en cause a ses frais, et celle qui succombe doit payer à la fois les siens et ceux de l’adversaire. À cette heure, bien que condamnés aux dépens dans les instances où ils ont échoué, les liquidateurs n’ont pas payé les frais de leurs adversaires. Par conséquent, dans les sommes portées au rapport pour « frais de procédure, » il ne faut voir que les frais de procédure des liquidateurs eux-mêmes, et il faut y ajouter tous les frais de leurs adversaires qu’ils n’ont pas encore payés, mais qu’ils devront payer un jour ou l’autre.