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de la France et de son gouvernement ? Demandons-le à M. de Freycinet : il le sait, il l’a vu, il l’a dit. On l’écoute, on va même jusqu’à le croire, et on s’afflige lâchement au fond de l’âme d’une nécessité à laquelle on ne croit pas pouvoir se soustraire : nécessité, comme dit M. Clemenceau, de rester d’accord avec le pays, qui trouve toujours trop lourdes les charges militaires et qui veut toujours les alléger. On les allège donc, et l’armée française descend un cran plus bas dans l’échelle comparative des armées européennes. C’est à cette épreuve que nous venons d’assister une fois de plus, non sans douleur.

Nous ne dirons aujourd’hui qu’un mot de la situation nouvelle qui s’est produite entre la Russie et l’Autriche, à la suite du discours prononcé devant la Délégation hongroise par le baron d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie : le fait a une grande importance, et il pourrait prendre, par la suite, plus de gravité. On sait qu’un accord existe entre l’Autriche et la Russie au sujet de leur politique commune dans les Balkans. Il repose sur le maintien du statu quo, chacun des deux gouvernemens s’étant interdit de rechercher des avantages particuliers, moyennant quoi, les autres grandes puissances, sans se désintéresser des questions balkaniques, — ce qu’aucune d’elles n’a fait et ne peut faire, — ont reconnu à l’Autriche et à la Russie, qui y sont le plus intéressées, le droit de s’en occuper plus spécialement, et se sont reposées dans une certaine mesure sur elles du soin d’y veiller. Cet état de choses dure depuis une dizaine d’années. On ne peut pas dire qu’il ait été particulièrement favorable à la réalisation de réformes sérieuses, mais il l’a été au maintien de la paix, et [cela suffit à en rendre la prolongation désirable. Dans son discours à la Délégation hongroise, le baron d’Ærenthal, après s’être fort réjoui des relations meilleures qui se sont formées entre l’Allemagne et l’Angleterre et avoir annoncé qu’il travaillait à rendre plus cordiales celles qui existent entre l’Autriche et l’Italie, a annoncé que le gouvernement austro-hongrois poursuivait à Constantinople la concession d’une ligne ferrée de raccordement entre la frontière bosniaque et Mitrovitza. Il serait difficile d’exagérer la mauvaise impression que cette nouvelle a causée à Saint-Pétersbourg. On y a vu une violation flagrante des accords de Muerzsteg et l’inauguration par l’Autriche d’une politique personnelle d’action dans les Balkans. Le gouvernement autrichien répond, ou fait répondre dans les journaux que son droit est incontestable, et qu’il résulte d’un article du traité de Berlin : soit, mais ce n’est pas