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À mort/03

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E. Monnier (p. 23-36).
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III


Jean Soirès était fils d’un laboureur de Gascogne.

Il s’était échappé du collège de sa petite ville natale avec le coup de soleil que chacun sait, et après avoir fait du colportage dans les bourgs de cinq cents âmes, il était arrivé à Paris par un matin de décembre, sans un sou, vêtu d’une blouse d’été. Il se rendait le jour même chez le député de son pays, un bon ayant conservé l’accent du terroir.

Il se présenta dix fois de suite. Il fut reçu la dixième fois, le domestique étant lassé d’ouvrir, de minute en minute, à un individu qui savait jurer aussi bien que son maître.

Jean et le député échangèrent des poignées de mains, le premier parce que ses vêtements étaient plein d’accrocs, le second parce que les intrigants en habit qui l’entouraient lui paraissaient plus dangereux que ce jeune aventurier de belle humeur ; d’ailleurs, pour un membre de la gauche, c’était remplir son mandat vis-à-vis de ses électeurs.

Jean Soirès s’installa dans une bergère ; le député, amusé, se mit à tisonner le feu, assis sur une chaise. Les intrigants se retirèrent, ne voulant pas poser derrière cet ouvrier en blouse.

— Tu as vingt-quatre ans ? demanda le jeune républicain, et de la poigne, n’est-ce pas ? Je me fais bâtir un hôtel, je vais te faire embaucher par mon architecte. Tiens !… je crois que le métier de maçon ira à tes épaules.

— Jean riait, fourrant ses grosses bottes trempées de neige sur les tisons flambants. Et les tisons s’éteignaient peu à peu.

— Maçon ? Euh !… Dites donc, notre député… papa Soirès est mort, maman Soirès aussi,… la bicoque est vendue depuis longtemps avec le champ de vigne… Me voilà tout seul, quoi ! Vous vous rappelez bien, le chemin de Cheminade-les-Haies… en sortant de la ville ? Nous avons fait des trous, hein, dans ces haies ?… au temps ou nous partagions des miques !… où j’étais petit, et vous déjà grand… Fils de notaire et fils de paysan, ça se valait !… Vous ne vouliez pas reprendre l’étude, et moi je ne voulais pas conduire la charrue !… Quant à bâtir, ce n’est pas mon genre… j’ai la bosse du commerce !… et si vous aviez un apprentissage à m’offrir…

Pendant qu’il parlait, le député républicain, un peu pris au piège, songeait que c’est terrible le pays en accrocs, lorsque la pièce de cinq francs ne suffit pas à le raccommoder tout de suite, et il revoyait pourtant la haie de Cheminade qui, tous les printemps, se couvre de fleurettes aux senteurs mielleuses. Quel ciel bleu là-bas !… Quelle température de vers à soie !… Point de rhumatisme dans cette sacrée Gascogne !…

S’attendrissant, il finit par murmurer :

— Tiens là !… mais oui… un apprentissage… Nous sommes de vieilles connaissances !… j’ai des actions dans un grand magasin de nouveautés.

Il recula sa chaise, car les bottes de Soirès fumaient comme des locomotives. Jean se baissa, saisit une bûche au fond d’un coffre de cuivre ciselé et la lança à toute volée sur les braises.

— Donc, mon député, nous disons que vous dirigez une maison de nouveautés… Ce n’est pas mon affaire… les étoffes, c’est trop femme… À propos : vous souvenez-vous de Mélida, la fille de l’auberge du Coq Noir ? (il lança un éclat de rire sonore) celle qui portait des madras si rutilants ? Eh bien ! donc… Vos amours !… Elle a eu des enfants de tous les gars qui ont voulu lui en faire ! Non, j’aimerais mieux être maçon que commis, et si vous n’aviez rien de mieux, je retournerais là-bas dire que notre député ne sert pas ses pays !

Il se leva ; le député le retint vivement.

— Comment donc !… Ah ! Mélida ! c’était presque une enfant ! et j’étais clerc… une jolie femme… elle a si mal tourné ? Tant pis ! pourquoi ne serais-tu pas garçon de banque pour débuter ? Il faut être honnête et on balaye les bureaux… ce qui vous permet d’apercevoir des piles d’or derrière des grilles de fer !

Ce mot or fit luire l’œil fauve de Jean Soirès : Immédiatement, il accepta, sans se représenter l’ignominieux manche du balai qu’il lui faudrait tenir.

— Mélida, répétait le député, se caressant le menton, pauvre fille ! Eh ! eh !… j’étais simple clerc !…

À partir de ce jour de décembre où le feu d’un député vit fondre la neige des bottes d’un colporteur, Jean Soirès devint garçon de banque.

Il entra dans la maison Ronsin et Cie. Il vit des piles d’or derrière des grillages de fer très ouvragés, mais les arabesques ne purent l’empêcher de compter ces pièces, tout en balayant. Bientôt il fut garçon de recette ; alors il les toucha, puis il s’habitua à les compter. Jean Soirès était, d’ailleurs, d’une honnêteté scrupuleuse, c’était son coup de soleil qui avait part dans ses admirations du louis jaune. Il n’avait que dégoût pour les palais hauts, les rues larges, les voitures incessantes et les squares peignés. Cette ville énorme ne vivait réellement pour lui que lorsque, sa sacoche pleine au côté où assis devant un bureau chargé de rouleaux, il sentait son cœur battre tout entier dans le cliquetis du métal. Il savait que tel monument avait rapporté six millions à son constructeur, que telles actions étaient en hausse, et que pour l’entretien del et square on prélevait sur certains fonds 500 francs par mois. Jean Soirès voulait devenir riche.

Il apprit la Bourse comme on apprend la peinture, avec une certaine crânerie sauvage, et en s’offrant des filles d’Opéra dès qu’il avait réalisé un joli bénéfice.

Il prêtait peu à ses camarades, mais leur racontait tous ses secrets d’alcôve d’un ton déluré. Il se créait des amis dans toutes les situations financières, car sa mauvaise éducation était cause des plus heureuses aventures. Une fois il tendit la main, sans y être invité, au banquier Ronsin qui, malgré sa réserve, la prit pour ne pas humilier ce brave Soirès. Il s’ensuivit une intimité de chaque heure, la hardiesse de l’un acculant la froideur de l’autre jusque dans le fauteuil de cuir du cabinet principal.

Devenu comptable, Jean eut l’occasion de sauver la caisse lorsqu’il pouvait s’en emparer en toute sécurité.

Il y avait au bureau de Ronsin et Cie un être d’allures ingénues, très pâle, très maigre, très vieux, aux yeux caves. Cet être-là n’avait jamais distrait un centime des fonds qui lui passaient par les mains. Il avait une fille, une fille phtisique, dont il était fou, et qu’il voulait conduire en Italie comme peuvent le faire les riches. À soixante ans, il résolut, ce père, de desceller le coffre-fort de la société Ronsin à l’aide d’une pince d’acier. Jean Soirès flairant quelque chose, parce que le vieux lui avait déjà juré souvent qu’il ferait un malheur, se dressa juste, cette nuit-là, devant le voleur au moment où celui-ci plongeait ses doigts crochus dans les liasses de billets de banque.

— Jean, bégaya le vieil égaré, le tutoyant, car ils étaient intimes, tu sais bien que c’est pour elle… il me faut seulement 5,000 fr. Prends tout le reste ; si on m’arrête, je ne nommerai jamais mon complice…

Soirès haussa ses robustes épaules, il saisit l’homme par le milieu du corps et poussa un appel formidable.

— Ma fille doit mourir… tu ne comprends donc pas ? continua le vieillard très doucement. Elle n’a plus un mois à vivre à Paris, le médecin l’a déclaré. J’ai pris mes appointements d’avance, ces temps-ci… rien… plus un sou… Elle ne veut plus manger que des mandarines et des ailes de poulet… Où t’imagines-tu que je puisse récolter, sinon dans la moisson que voilà ?… Personne ne veut me prêter. On ne prête pas, chez nous ! Toi, moins que les autres. Sans doute, je vole… Ce sont les médecins qui l’on dit… Fanny est une si belle enfant !…

Il avait fini par s’échapper pour se mettre à genoux à quelques pas de Soirès.

— Tu as deviné… tu as senti que j’allais faire un vilain coup ?… Ne me dénonce pas… mais laisse-moi cet argent… Pourquoi appelles-tu ?… je n’ai point d’arme, j’aime mieux mourir que de te le rendre… non !… non !

Il pleurait, il sanglotait, serrant les billets contre sa poitrine haletante, Soirès leva la pince d’acier qu’il lui avait d’abord arrachée et l’en frappa au crâne. Le vieux tomba évanoui. On accourut de tous les côtés. Ronsin fut mandé, cela prit des proportions héroïques. Jamais Ronsin, le banquier, n’oublierait cette scène… jamais !… Les agents de police faisant une entrée bruyante, ce voleur maigre et pâle, étendu, comme mort, les doigts encore crispés sur sa poitrine, le coffre béant, une liasse éparpillée, les meubles renversés par la lutte, et ce robuste garçon, haut en couleur, brandissant le terrible instrument avec des yeux pleins d’éclairs. En vérité, Soirès avait sauvé non seulement la caisse, mais aussi l’honneur de la maison Ronsin et Cie.

Le vieux n’eut que six mois de prison.

Pendant ce temps, Fanny, qui avait réellement besoin de soins, tout en demeurant assez jolie femme, devint la maîtresse de Soirès.

La fille d’un voleur n’est pas responsable des fautes de son père !

À trente ans, Soirès, associé de Ronsin, eut ses grandes entrées dans les salons de la finance et fut désormais à même de gérer les capitaux d’autrui. Il retourna chez son député de la gauche qui s’appelait à présent Monsieur le Ministre, lui parla de projets commerciaux qu’il couvait, et par le récit du fameux coup de pince-monseigneur, raconté à sa manière, il réussit à étourdir complètement l’ancien ami de Mlle Mélida. La banque Soirès et Cie succéda aux Ronsin, rue de Trévise. Jean était riche. Il alla dans le monde, point parce que sa richesse lui donnait de l’orgueil, mais par amour de la femme coquette. Jean, le rustre, désirait follement les femmes faciles qui savent encore être impertinentes. Sa force physique recherchait volontiers les ruses perverses des maîtresses indépendantes, et tout en doutant, comme il sied, de la vertu, il attendait les risques d’un assaut en frissonnant de plaisir. À sa première soirée, il avait eu le vertige… si c’était là le monde que les camarades représentaient dédaigneux, il ne le reconnaissait vraiment pas. Son éducation, très négligée, se trouvait être l’éducation du jour. Cheminade-les-Haies ne lui faisait aucun tort. Verbe haut, poignées de mains, éclats de rire, mouvements brusques, et secouements des épaules se recevaient à merveille. Trop canaille, au fond, pour ne pas comprendre que sa banque lui servait de garantie, il eut naturellement tout de suite le mépris du Parisien, mais la Parisienne décolletée lui resta très avant dans le cerveau comme une image consolante.

Il fut épris successivement de toutes les femmes qui aiment, dans l’homme en habit noir, le fort de la Halle, c’est-à-dire de toutes les mondaines de Paris.

Peu à peu l’élément féminin se glissa dans sa vie au même titre que l’indispensable cliquetis de son or.

Aux solides appétits du paysan il joignait une rouerie commerciale l’empêchant d’avoir du cœur, ou, ce qui est mieux, des idées artistiques… Il était toujours sans scrupule, aussi le trompait-on rarement ; il ouvrait les placards, tirait les draperies, regardait sous le lit, décachetait les lettres, entretenait des mouchards, faisait enfin tout ce que l’homme délicat croit devoir ne pas faire.

D’ailleurs sa grande joie était de permettre la comparaison de temps en temps, comparaison qui tournait à son avantage. Dès qu’on lui parlait des pensées de la femme, de ses aspirations, de son âme, il avait un large rire. Une fois, un monsieur raisonnable, ourdissant un travail sur les jeunes mères, lui fit remarquer, au milieu d’un boudoir, qu’il pouvait bien exister des femmes respectables quoique jeunes et jolies.

— Je suis sain, répondit le don Juan de Cheminade, cela suffit, je pense… le respect est une invention de malade.

Et cette réponse produisit une telle sensation qu’on en parut comme assommé autour de lui.

Ce fut durant un hiver très brillant pour Soirès que se montra la future épousée. Chose étrange, il la rencontra sur le palier sombre d’un cinquième étage et non sur le parquet chatoyant d’un salon. Il faisait quelques spéculations en commun avec un prêteur juif, rue Vieille-du-Temple, et se rendait souvent chez ce personnage qu’il appelait : collègue.

Il essayait, pour le moment, de duper ce juif qui était né à Cologne, parce que, lui, passait pour être très franc, très carré, né à Cheminade enfin, et que personne ne pouvait encore se douter de sa profonde duplicité.

Il s’agissait d’une concession de chemin de fer. Une opération devant marcher comme sur des roulettes !

Le juif lâchait ses capitaux à regret — ainsi le sage ses paroles — et Jean riait sous cape.

Cela devenait presque une guerre patriotique de Cheminade contre Cologne.

Un matin, vers dix heures, Soirès sonnait à la modeste porte de son collègue lorsqu’il fut heurté légèrement par un petit panier, un élégant petit panier aux bords recourbés en chapeau de bergère, avec des allures Watteau. Le banquier s’arrêta net,

— Pardon, Monsieur, murmura une voix jeune.

— Excusez-moi, Mademoiselle, murmura Jean.

Le palier était très sombre, l’escalier très étroit, mais une sorte d’auréole entourait cette tête de fillette.

Elle avait les cheveux paille, des cheveux fins et abondants, qui provoquaient de voluptueux désirs. Soirès tressaillit. De plus, la vision portait une robe bleue, du bleu des pensionnaires vouées. La bavette de son tablier de laine dessinait une poitrine enfantine… il était d’un chaste exquis, ce tablier. Pourtant dans le pied, posé un peu en évidence sur une marche, il y avait toute une révélation coquette de la femme. La paupière baissée, comme alourdie par les cils n’encourageait rien, et le bout de la bottine promettait beaucoup.

Soirès constata que la demoiselle en bleu n’avait aucun porte-bonheur, point de bague, point de collier. Les cheveux relevés et tressés sans peigne doré, ni nœud de soie ni épingle de clinquant.

Le richard, devant la jeune fille, éprouva une sensation toute nouvelle : elle était si petite, qu’il eut envie de se baisser pour la saisir, l’asseoir sur son épaule. Il lui aurait volontiers chanté :

Do do…, l’enfant, do !…

de sa grosse voix fausse qui effarouchait les actrices, après souper.

— Voulez-vous me faire place ? je vous prie, demanda la demoiselle en bleu d’un ton un peu hautain.

Jean s’écarta. Il avait dû avoir l’air bête, planté comme un madrier. Il risqua une phrase plus ridicule encore que son maintien.

— Est-ce qu’ils sont à vous, tous ces cheveux, Mademoiselle ?

Elle serra l’anse de son joli panier et, levant des yeux d’un bleu plus foncé que sa robe, elle répondit :

— Je suis pressée, Monsieur.

Le pied se cambra pendant que les sourcils se fronçaient.

Il n’insista pas et fit place. Il crut, un instant, qu’elle se retournerait ou qu’elle descendrait en courant à se rompre les membres, pour le provoquer par l’envolement de ses jupes ; mais ce fut lentement, avec l’indifférence la plus parfaite, que la demoiselle continua sa route.

Le lendemain Soirès oublia de se rendre au rendez-vous de Mme de Louelle, une de ses conquêtes, femme de sport qui, de temps en temps, cravachait les impertinents de son monde et qui, à huis clos, permettait à ses cochers de lui briser des potiches du Japon sur les épaules.

Cependant Soirès n’oublia pas le collègue de la rue Vieille-du-Temple, bien que l’affaire fût bâclée et que sa suite eût peu d’importance. Il arriva cinq minutes avant l’heure des réceptions du juif.

Cette fois, la demoiselle en bleu montait, son petit panier était empli de maigres provisions.

Il s’empressa de saluer. Les lèvres de la jeune fille ébauchèrent péniblement un sourire.

Soirès, avant de sonner, dit très respectueusement :

— Vous m’en voulez donc, Mademoiselle ? je suis forcé de me trouver sur votre passage, car je viens tous les jours ici !

— Non, Monsieur, je ne vous en veux pas, répliqua-t-elle avec gravité… je choisirai un autre moment, voilà tout, puisque l’escalier est trop étroit pour nous deux.

« C’est qu’elle ne doit pas être sotte, pensa Soirès agacé ; alors ce n’est pas la peine de se vêtir de bleu comme une sainte Vierge ! »

En fait de religion, Jean Soirès n’avait jamais rêvé la Vierge spirituelle.

Et il pénétra chez son juif l’air soucieux.

Huit matins durant, Jean chercha sa vision soit dans la rue, soit dans les boutiques de la rue. Une fois il crut apercevoir un jupon azuré au fond d’une crémerie, mais, saisi de pudeur, il n’osa pas faire stationner son coupé devant la maison.

Toutes les natures de manant tendent à s’élever jusqu’aux femmes élégantes dès que la société leur est ouverte. Soirès laissait les intrigues de bas étage aux grands seigneurs blasés. Jamais la grisette ne l’occupait sérieusement. Il s’étonna lui-même de se trouver si souvent à la porte du collègue juif. Pour se consoler il se répétait : « Cette petite a déjà eu le temps de se créer des revers de fortune… elle a fait le tour du Bois comme les autres ! »

Jean n’avait jamais respecté, mais il faut ajouter qu’il n’avait jamais connu de jeunes filles authentiques.

La demoiselle en bleu, avec ses cheveux tressés, ses yeux modestes quoique fiers, avait pour lui tout l’attrait de l’inconnu.

Il fit causer son capitaliste. M. Siméon s’expliqua d’une voix goguenarde. S’il avait été roulé sous le rapport de la spéculation, il était clair qu’on allait rouler le millionnaire de bien meilleure façon.

— Ah ! fit-il, Berthe Gérond, une jolie précieuse, encore ! Ça n’a pas dix-sept ans et c’est pur !… Sa mère, une veuve, se fâche toujours avec notre excellente concierge ; une grincheuse, la mère !… On est pauvre… jusqu’à ce qu’on tourne mal !… On sort de pension !… Vous vous y casserez le nez… J’ai essayé, moi, de prendre une oreille ou un doigt… on à fait la mine… Elle est anémique, je crois !… Rien à tenter…

Le marchand d’argent frisait la cinquantaine.

— Y a-t-il un moyen pour s’introduire dans la place ? dit Soirès ne pouvant s’empêcher de sourire.

— Hum !… un métier de polisson que vous voudriez me faire faire ?… Eh bien !… après tout… c’est entre camarades… et puis vous ne réussirez pas… La veuve Gérond, une folle, m’a prié de garder chez moi une vieille action invendable, pensant qu’on la volerait dans son armoire à glace… alors… achetez-la-lui… racontez que vous faites une collection de ces antiquités-là !… Seulement je vous préviens que, si ça devient sale, je ne veux pas m’en mêler plus tard. M. Soirès sera ridicule tout seul… Hein ?

— Va pour l’action ! murmura Soirès un peu écœuré des expressions du juif. Je n’ai pas l’ombre d’un mauvais sentiment. Je suis curieux, rien de plus, mon bon Siméon !