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Été (Paul Valéry) (Le Centaure)

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Été (Paul Valéry) (Le Centaure)
Le Centaurevol. 1 (p. 79).



ÉTÉ


À Francis Vielé-Griffin.


Été ! roche d’air pur et toi, ardente ruche
De mer éparpillée en mille mouches sur
Les touffes d’une chair fraîche comme une cruche
Et jusque dans la bouche où se mouille l’azur,

Et toi, maison brûlante, espace, cher espace
Tranquille, où l’arbre fume et perd quelques oiseaux,
Où crève infiniment la rumeur de la masse
De la mer, de la marche et des troupes des eaux,

Tonnes d’odeurs, grands ronds par les races heureuses
Sur le golfe qui mange et qui monte au soleil,
Nids purs, écluses d’herbe, ombres des vagues creuses
Bercent l’enfant ravie en un poreux sommeil.

Mais les jambes, dont l’une est fraîche et se dénoue
De la plus rose, les épaules, le sein mûr
Sous les meules de brise aux écumeuse roues
Brûlent abandonnés autour du vase obscur

Où filtrent les grands bruits pleins de bêtes puisées
Dans les chambres de feuille et les cages de mer
Par les moulins marins et les huttes rosées
Du jour… Toute la peau dore les treilles d’air.