Article — Demande de Mme Hardouin pour Louise Michel

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Le Paysannée 31, n° 64, 21 septembre 1879 (extrait) (p. 2-3).

Demande de Mme Hardouin pour Louise Michel

Il y avait longtemps qu’on n’avait entendu parler de la mère Michel — non pas celle qui a perdu son chat — mais celle que Louis Veuillot appelait l’Amère Michel.

Cette pétroleuse fait sa petite bouche devant l’amnistie. Ses geignements nous sont téléphonés, à 6 mille lieues de distance, par la Marseillaise, M. Olivier Pain faisant l’office de récepteur.

Or, savez-vous de quoi s’indigne l’amère Michel ?

Voilà. Une dame Céleste Hardouin a pris en main la cause de l’ex-institutrice de Montmartre et s’est mis en tête de faire amnistier cette Théroigne des ambulancières. L’amère Michel a vent de la chose, et des profondeurs de l’île des Pins elle pousse des hurlements et répand des larmes à faire de la presqu’île Ducos une île.

Voici ce qu’elle écrit à la Marseillaise :

Nouméa, 25 juillet 1879.

Monsieur le directeur de la Marseillaise,

J’attends de votre justice l’insertion des lettres ci-jointes (dont vous voudrez bien m’envoyer un exemplaire), puisque je suis considérée, ici, comme complice de ce qui a été fait en mon nom, malgré ma défense formelle et réitérée.

Je vous en serai infiniment reconnaissante.

L. MICHEL.


À Madame Céleste Hardouin, instigatrice de lettres et suppliques en mon nom, malgré ma défense formelle et réitérée.

Madame,

La petite satisfaction que vous avez donnée à votre volonté personnelle m’a coûté bien des larmes, et les larmes sont amères à ceux qui ne pleurent que sous le poids de la honte.

Sans le souvenir de ma mère je me débarrasserais de cette honte d’une manière qui empêcherait de faire à d’autres la même insulte.

Les ennemis m’avaient respectée et vous venez ajouter l’affront, nul parmi les administrateurs n’eût osé m’annoncer ce qui se faisait à votre instigation. (Vous saurez plus tard comment je l’ai appris.) Je me demande ce que vous faites en fraude de l’honneur puisque vous vous permettez d’agir au nom de ceux dont la volonté à six mille lieues devrait être aussi sacrée que celle des morts.

Vous avez de plus aggravé ma position, puisqu’après cinq ans de séjour dans la colonie il m’était permis d’habiter Nouméa, tandis que votre commutation me relèguerait à l’île des Pins.

Cette dernière considération n’est rien en présence des hontes que vous me faites subir.

LOUISE MICHEL.

Cette lettre est grotesque : ce n’est pas seulement un chef-d’œuvre de pathos, c’est un monument d’outrecuidance. Pour tout dire, l’amère Michel fait de la pose. Elle se plaît à Nouméa et désire y rester, mais elle ne perd pas de vue pour cela la galerie ; elle se croit une héroïne et tient à conserver son prétendu prestige vis-à-vis des pétroleurs de France.

De plus, l’amère Michel est bien amère pour Mme Céleste Hardouin. Les dévouements à six mille lieues de distance sont rares, et celui de Mme Hardouin n’était point à dédaigner. L’amère Michel en fait fi avec une hauteur de fort mauvais goût. Ce que Mme Hardouin a de mieux à faire, c’est de laisser cette poseuse de Louise Michel où elle est.

Voici maintenant une autre lettre de l’amère Michel qui donne la preuve que la célèbre pétroleuse tient absolument à rester à Nouméa.

Cette lettre est adressée à M. le président de la République.

À Monsieur le président de la République,
Nouméa, 25 juillet 1879.

Monsieur le président de la République,

Veuillez considérer comme nulles toutes les démarches outrageantes pour mon honneur qu’on se permet de faire en mon nom, grâce au silence que font six mille lieues autour de moi.

Je désavoue hautement, non-seulement la démarche de Mme Céleste Hardouin, mais encore toutes celles que pourraient bien faire ou auraient faites en mon nom des gens mal inspirés.

Je ne comprends d’autre retour en France que celui qui ramènerait toute la déportation et toute la transportation de la Commune, et n’en accepterai jamais d’autre.

Recevez, monsieur le président, l’assurance de mon respect.

LOUISE MICHEL.

L’amère Michel est à mettre à la Salpétrière avec une camisole de force. Bête et poseuse, telle est cette virago. Elle n’a que ce qu’elle mérite.

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