Biographie nationale de Belgique/Tome 2/BLOMMAERT, Jacques

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BLOMMAERT (Jacques), homme de guerre, né à Audenarde, entre 1533 et 1535. Il était fils d’Adrien et de Clara Dierens. Sa famille y exerçait d’ancienne date l’industrie des tapisseries de haute lisse, si florissante à Audenarde et d’où sortirent, sous Louis XIII et Louis XIV, les célèbres manufactures de Blois et des Gobelins. Au XVIIe siècle, il existait encore plusieurs Blommaert qui se distinguèrent dans cette fabrication, restée longtemps un art véritable, dans les Pays-Bas.

L’on sait peu de chose sur la jeunesse de Blommaert ; il avait épousé, vers 1562, Agnès Vanden Broeck, et on le trouve revêtu des fonctions de juré-conseiller de la baronnie de Pamele (Audenarde), en 1560 et 1565. C’est vers cette époque que son nom doit avoir été mêlé aux troubles religieux de sa ville natale, car à l’arrivée du duc d’Albe, ses deux frères, Jean et Absolon, furent, ainsi que lui, condamnés au bannissement et à la confiscation de leurs biens. Aussi Jacques Blommaert se rangea-t-il immédiatement sous le drapeau du prince d’Orange.

Au mémorable combat d’Austreweel, Blommaert se signala comme capitaine d’une escouade qu’il avait levée à ses frais. Après les événements de 1568, il se retira quelque temps à Frankental, et ne reparut sur la scène qu’en 1571. À cette époque, Jacques van Mieghem et lui offrirent à Guillaume le Taciturne de former un corps d’armée en Flandre et notamment aux environs d’Audenarde. Le prince, acceptant cette proposition, donna commission à Blommaert de s’entendre avec le bourgmestre d’Audenarde pour la reddition de la place, sous la condition et réserve expresse d’en maintenir les habitants dans leurs droits et priviléges, de ne point les inquiéter et de ne rien entreprendre sans les ordres exprès de son frère, Louis de Nassau.

Cette combinaison n’ayant pas eu de succès, le fougueux capitaine, impatient de délivrer sa ville natale du joug des Espagnols et de contribuer à l’émancipation de sa patrie, partit pour Anvers, amenant avec lui un contingent d’hommes destiné à la défense de Flessingue qui venait de secouer la domination étrangère. Chargé ensuite d’un commandement à Armuyden, en Zélande, il ne put tenir tête à d’Avila, qui vint reprendre cette place, et il fut du petit nombre de ceux qui, à la suite d’une lutte acharnée, échappèrent au carnage.

Il eut bientôt, en vertu d’une commission spéciale du Taciturne, l’occasion de revenir à son premier projet, celui de délivrer Audenarde, où se trouvait sa famille. Il usa, à cet effet, d’un stratagème déjà mis en usage par plus d’un grand capitaine pour s’emparer, par surprise, d’une ville forte. Fatigué des exactions de la garnison espagnole et préparé de longue main à un soulèvement, le peuple n’attendait que le moment propice pour secouer le joug qui l’accablait. La ville avait pour se défendre, indépendamment d’une escouade d’infanterie, la garde bourgeoise organisée par quartiers, les francs tireurs des sociétés et de l’artillerie. Secondé par Josse Ghuys, Latouille et Wibo, Blommaert profita de la fête ou kermesse de Pamele ; le 7 septembre 1572, il massa secrètement ses hommes du côté du village de Leupeghem. Quelques-uns d’entre eux se mêlèrent à la foule qui se rendait à l’église de Pamele et s’emparèrent tout à coup du pont.

Dès ce moment la ville était prise. Mais il restait encore à s’emparer de la forteresse dite Château de Bourgogne, défendue par le courageux Courtewille, haut bailli d’Audenarde. Après une lutte sanglante, dans laquelle Courtewille fut tué, Blommaert parvint à se rendre maître aussi de la forteresse. Malheureusement pour le capitaine, après ce fait d’armes il ne sut plus dominer ses soldats : ils se livrèrent au pillage des églises, les couvents furent saccagés et cette déplorable dévastation, continuée dans les communes environnantes, s’étendit jusqu’à Renaix. Blommaert eut cependant assez d’énergie pour faire effectuer le dépôt d’une grande quantité de richesses enlevées par les pillards, afin de pouvoir les restituer.

Effrayée de ces désordres et craignant pour sa propre sécurité, la garnison de Deynze, renforcée de quelques troupes de Gand, se disposa à marcher sur Audenarde. Blommaert ordonna à Latouille de faire une reconnaissance de ce mouvement, mais Latouille fut repoussé. Un autre détachement, composé d’Espagnols, s’avança jusque sur le territoire de Bevere, aux portes d’Audenarde et prit possession du château de Brouwaen. Blommaert, laissant la garde de la ville à Ghuys, marcha à la rencontre des Espagnols, les défit et resta maître du château.

Sur ces entrefaites, le bruit se répandit que Malines, Termonde et d’autres villes étaient retombées aux mains des Espagnols et qu’un corps d’armée marchait sur Audenarde. Blommaert ne pouvant compter sur une force armée capable de résister à celle qui marchait à sa rencontre, quitta la ville avec ses plus chauds partisans, se dirigeant vers la Zélande. Poursuivi pour les Espagnols, il parvint jusqu’à Oostwinkel ; il s’y réfugia avec quelques hommes dans une grange ; mais ses ennemis, en nombre supérieur, ne pouvant le décider à se rendre, y mirent le feu. Blommaert et ses partisans, après une énergique défense, furent brûlés vifs. Ainsi périt cet enfant d’Audenarde, qui eut la gloire de mourir pour sa ville natale et pour la liberté de son pays.

Henry Raepsaet.